In Koli Jean Bofane et les mathématiques congolaises
30032009J’avais écouté notre ami Jean-Claude Kangomba interviewer In Koli Jean Bofane sur son roman Mathématiques congolaises (Actes Sud, 2008). C’était à la Foire du Livre le 9 mars passé.
Alors… Un orphelin (ses parents ont disparu dans un massacre) se passionne pour les mathématiques qui lui permettent de cadrer sa vie aléatoire à Kinshasa. Appliquant tangentes, probabilités, statistiques et autre relativité à la vie de tous les jours ; incarnant cela dans un discours impressionnant, il est remarqué par le chef du bureau « Informations et Plan » qui l’engage aussitôt. Une belle carrière dans la manipulation des foules et de l’information s’ouvre à lui… Carrière qu’il quitte (à la fin du roman), dégoûté par les opérations sanguinaires dont il se rend complice.
Le roman : une galerie de personnages travaillés dans les nuances. Le sergent tortionnaire en repentir (Bamba), le jeune ambitieux (Célio) qui doute et vit un amour rédempteur (avec Nana, la belle, ironique et douce), le prêtre père de substitution (Père Lolos), le haut fonctionnaire sans scrupules (Tshilombo) mais culpabilisé par sa superbe garce de femme (Odia), le sorcier répugnant et clairvoyant (Mbuta Luidi), le peuple débrouillard de Kin (des aînés (Vieux Isemanga, Mère Bokeke), aux plus jeunes (Gaucher-Dona)). Et un personnage qui hante le livre du début à la fin : la faim (les pauvres mangent un jour sur deux à Kinshasa).
Ces milieux et ces destins individuels se croisent et ces croisements rythment et relancent très bien le roman, tandis que les personnages gagnent en profondeur. Et puis, il y a la langue de Jean Bofane : familière par moment ; ailleurs, une langue qui dit avec une finesse sensible émouvante le rapprochement solaire (on dirait du Lawrence) des corps, ou la mort aussi, comme celle, lente, approchée de l’intérieur du corps, par les sens, la mort de Bip (suspens)…
C’est Kinshasa dans toute sa complexité qui apparaît.
Xavier Vanandruel, qui a enseigné les math au Congo, interrogerait bientôt In Koli Jean Bofane qui les a revisitées dans son livre… N’est-ce pas, Xavier ?!
Et, comme une réponse à l’indétermination mayaque :
Hugues Robaye
Catégories : Afrique, arts, Congo, In Koli Jean Bofane, Les Mayaques rencontrent, litterature