Zim ou charrues
28042009A la ferme de Gislene on parlait donc de recyclage. La discussion m’évoquait la figure de Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994), mathématicien et physicien roumain, devenu économiste et professeur aux Etats-Unis. Son principal apport me paraît être l’accent qu’il mit sur la dispersion irréversible des ressources minérales de la terre. On peut bien en effet espérer résoudre le problème énergétique, par exemple en isolant de l’hydrogène à l’aide de l’énergie solaire ; au contraire, selon Georgescu-Roegen, l’épuisement des ressources minérales est sans remède.
J’ai voulu me renseigner sur la situation concrète de ces ressources aujourd’hui et ai été effaré. Si l’on s’en tient aux conditions actuelles d’exploitation (2008), il reste du zinc à extraire jusqu’en 2025 approximativement ; du tantale jusqu’en 2038 ; du cuivre jusqu’en 2039 ; du fer jusqu’en 2087 (source : http://minerals.usgs.gov/ ). Ces dates sont bien sûr à prendre à titre indicatif, mais elles donnent une idée de l’acuité du problème.
Plusieurs facteurs font que cette question n’habite pas tous les esprits. L’un de ces facteurs est justement une vision naïve des possibilités de recyclage. Si on ne peut plus extraire les minéraux du sous-sol, ne peut-on, pour résoudre le problème, recycler ceux déjà utilisés ?
Sûrement, mais le procédé a des limites. D’abord parce que le processus de recyclage lui-même (collecte puis traitement) est coûteux en ressources énergétiques et minérales. Et ensuite parce que, pour des raisons matérielles et physiques, il ne saurait être que partiel. Supposons alors que par exemple 95% de l’acier utilisé puisse être recyclé, résultat qui paraît estimable. Un calcul élémentaire ( à partir de l’équation 0,95x = 1/k) montre qu’après 14 recyclages il n’en restera plus que la moitié, et seulement un quart après 27 recyclages.
C’est pourquoi Georgescu-Roegen pouvait écrire, en une formule appelée à devenir célèbre : « Il nous faut insister sur le fait que toute Cadillac ou toute Zim –et bien sûr tout instrument de guerre- signifie moins de socs de charrue pour de futures générations et, implicitement, moins d’êtres humains aussi » (la Zim, produite en URSS, était inspirée de la Cadillac américaine).
Dans un prochain MaYak, une évocation de la pensée de Nicholas Georgescu-Roegen, père de la bioéconomie.
Une Zim
Xavier Vanandruel
Catégories : economie, travail de la terre