Quand un quartier se dit, se pense. Benoît Verhille et La Contre Allée
6 04 2009André Dhôtel disait que ce qui importait en premier pour l’écrivain, c’est d’avoir un bon sujet.
Benoît Verhille (que Xavier Vanandruel et moi avons rencontré samedi, au salon Trame(s) de Fourmies (Nord Pas-de-Calais)) en donne de bons aux auteurs qu’il invite à participer à ses projets… Ainsi, ce livre Chacun sa place, travail collectif réalisé autour de la construction d’une nouvelle place bouleversant un des plus anciens quartiers de Lille (Fives).
Dans Chacun sa place (La Contre Allée, 2008), une photographe capte au jour le jour la métamorphose du quartier tandis qu’une journaliste rencontre les habitants. Avec ces visions, le livre croise celles d’écrivains, de chercheurs, de musiciens (de ce quartier provient le compositeur de l’Internationale, Pierre De Geyter, et sur le cd qui accompagne le livre, ce chant est revisité). La pratique artistique est en quelque sorte médiatrice, questionnante, en dialogue avec le vécu des gens. Un « art » au service de la cité ou qui fait ou refait cité. De la cité ou mieux, du quartier, cet espace vécu quotidiennement avec tout ses réseaux de rencontres et d’échanges ; bistros, petits commerces, maisons et immeubles, places, marchés, rues dans leurs largeurs et hauteurs, fenêtres ouvertes l’été, chaises sur les trottoirs, trafic et heures de trafic, squares, platanes et chants d’oiseaux plus ou moins étouffés, air du petit matin, atmosphères des soirées, bruits, parcours quotidiens particuliers aux heures. Réseaux circulatoires qu’un projet urbanistique balaie.
Je mettais art entre guillemets parce que ce n’est pas l’art des galeries mais des pratiques qui sont des formes de savoir, soit d’approches sensibles, perceptives, autour d’une expérience commune ; ici, celle du quartier. Des formes de réaction aussi et de conscientisation… Je parlais plus haut de médiation, c’est que le livre de « Contre Allée » résulte de rencontres, de débats entre ces acteurs : gens des quartiers, artistes, chercheurs. Ils se sont rencontrés, ont échangé lors de soirées ; se sont ensuite croisés dans les rues et reconnus, ont discuté à nouveau… Tout cela orchestré par Benoît Verhille. Et, par exemple, la mise en fiction du quartier par l’écrivain (qui est aussi une mise à distance) permettait lors des rencontres d’en parler sans animosité, en désamorçant certaines agressivités, en discutant autour d’une histoire. Tandis que les paroles des chercheurs devaient se faire compréhensibles. Tout un travail autour des savoirs. Il s’agissait (et s’agit toujours) de réapprendre (à vivre) ensemble les traits d’un quartier.
Une initiative d’utilité publique à reproduire, non ?
Hugues Robaye
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