La noix de Grothendieck

5 05 2009

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Cela fait presque 20 ans qu’Alexandre Grothendieck, l’un des plus grands mathématiciens du siècle dernier, s’est retiré du monde dans un village des Pyrénées. On croit souvent que les chercheurs théoriciens, les mathématiciens en particulier, sont eux-mêmes des êtres abstraits, détachés de la pesanteur de la chair. J’ai été aussi victime de cette illusion : même si le nom de Grothendieck figurait dans le titre de mon travail de fin d’études, ce n’est que tout récemment que j’ai un peu découvert une personne qui avoue trois passions : les femmes, les mathématiques et la méditation.

Grothendieck démissionna en 1970 du prestigieux IHES parce qu’il ne pouvait accepter le financement partiel de celui-ci par des crédits militaires. Commencent alors pour lui des tentatives d’une vie autre : désobéissance civile, fondation d’une communauté,  contreculture, jusqu’à son retrait définitif.

De son autobiographie, Récoltes et semailles, plus d’un retient cette alternative qu’il donne du travail scientifique :

« Prenons par exemple la tâche de démontrer un théorème qui reste hypothétique (à quoi, pour certains, semblerait se réduire le travail mathématique). Je vois deux approches extrêmes pour s’y prendre. L’une est celle du marteau et du burin, quand le problème posé est vu comme une grosse noix, dure et lisse, dont il s’agit d’atteindre l’intérieur, la chair nourricière protégée par la coque. Le principe est simple : on pose le tranchant du burin contre la coque, et on tape fort. Au besoin, on recommence en plusieurs endroits différents, jusqu’à ce que la coque se casse – et on est content. [...]. Je pourrais illustrer la deuxième approche, en gardant l’image de la noix qu’il s’agit d’ouvrir. La première parabole qui m’est venue à l’esprit tantôt, c’est qu’on plonge la noix dans un liquide émollient, de l’eau simplement pourquoi pas, de temps en temps on frotte pour qu’elle pénètre mieux, pour le reste on laisse faire le temps. La coque s’assouplit au fil des semaines et des mois – quand le temps est mûr, une pression de la main suffit, la coque s’ouvre comme celle d’un avocat mûr à point. Ou encore, on laisse mûrir la noix sous le soleil et sous la pluie et peut-être aussi sous les gelées de l’hiver. Quand le temps est mûr c’est une pousse délicate sortie de la substantifique chair qui aura percé la coque, comme en se jouant – ou pour mieux dire, la coque se sera ouverte d’elle-même, pour lui laisser passage. [...] Le lecteur qui serait tant soit peu familier avec certains de mes travaux n’aura aucune difficulté à reconnaître lequel de ces deux modes d’approche est “le mien” . «  

Xavier Vanandruel

  


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