« Journal de l’antenne rouge » par Jacques Dapoz
25 05 2009Ce »roman » va déconcerter… (Jacques Dapoz dirait peut-être qu’un roman doit déconcerter puis… reconcerter…) Ceci dit, Journal de l’antenne rouge – journal – est-ce bien un « roman » ? Plutôt l’autobiographie d’un militant pour la liberté de création de soi, du monde, de la vie. D’un homme de radio, d’une voix des ondes courtes, d’un écrivain instantané serais-je tenté de dire. Jacques Dapoz est en effet un écrivain thermodynamique : ses Radiologies (œuvre inclassable toujours en mutation, dont les nouvelles moutures se suivent régulièrement (la dernière vient de voir le jour)) réactualisent dans la langue un système complexe (lui ou plutôt sa pensée-poésie) en suite, en processus perpétuels de phases d’individuation : de la littérature dynamique… Journal de l’antenne rouge, roman ? Comme l’on dirait « le roman d’une vie », une histoire faite de hasards…
Le Journal de l’antenne rouge (aux belles éditions du Cerisier, en 2007) retrace, année après année (de plus en plus densément qu’on s’approche du présent), le parcours de l’auteur. Des dates, des événements du monde (politiques, économiques, mais aussi artistiques ou sociétaux), la vie d’un homme qui se fait d’échos, de rencontres ; des dialogues aux voix indéterminées où se commente la vie du siècle (comme des chœurs parlés) ; l’évocation de lectures importantes ; une demande récurrente faite au narrateur, celle de bruiter l’événement du monde qu’il vient de commenter : chaque année se compose de ces blocs de langue qui résonnent dans tout le livre.
En le lisant, je pensais à une partition musicale. À une forme, la fugue avec variations. Fugue qui serait fuite du temps… Fugue qui détaillerait, en une série de motifs formels sujets à des variations, les relations entre un homme animé d’un idéal et l’histoire du monde qui va à l’encontre de cette exigence.
Le traitement de la matière, de la langue, me rappelait, elle, le texte du surréaliste Paul Nougé sur la musique. La musique place en nous des harmonies, des rythmes des associations de motifs qui transforment nos tissus. La musique est transformatrice (comme les autres arts d’ailleurs) et Nougé pensait changer l’homme en faisant composer des musiques particulières. Les matières et formes (notes, antiennes, dialogues, textes narratifs) de ce journal sont stylisées, deviennent des sortes de carmine, ces formules poétiques magiques des premiers temps. L’actualité brute éclate, prend sens, devient étrange, fait penser, reçoit une tension inquiète. Nous nous souvenons de ces événements mais le narrateur, en nous les rappelant, les oriente dans le sens de son souci radical : liberté et autodétermination de la personne. Dans une langue à la poésie lapidaire pleine de courts-circuits, de rapprochements déstabilisants ; notes réalistes sur notes sur-réalistes…
Journal de l’antenne rouge, le journal d’un résistant d’aujourd’hui.
Hugues Robaye
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