Une paysanne qui écrit: Micheline Baguet
5 03 2010J’étais en train de payer – je l’avoue – deux sacs de combustible fossile polluant quand je vis sur le comptoir la jolie couverture d’un livre dont le titre m’intrigua : Le mot PAYSAN. Je ne m’attendais pas à trouver un livre en vente dans ce sympathique magasin de fournitures agricoles, jadis sans doute un silo, où les farines de Moulbaix voisinent avec un très bel assortiment de machines agricoles miniatures, jouets obligés pour enfants de fermiers.
La quatrième de couverture de ce livre d’une soixantaine de pages, que je pris en main, était signée par : une « paysanne des pays industrialisés ». Éric me dit que Micheline Baguet habite en effet Ostiches, où nous sommes, qu’avec son mari ils exploitent cette ferme au beau portail, tu sais, après la place. J’achète le livre… Il est joli, comme je le disais, mais surtout, c’est l’œuvre d’une paysanne pour, d’abord, des paysans. Des paysans qui liraient un texte qui les décrit, les justifie, exprime leur importance dans la société. Pour des paysans qui, à la lecture, se retrouveraient confortés, pourraient réfléchir à leur travail que l’économie régnante ne valorise vraiment plus.
Je trouve cela très intéressant qu’une personne qui n’est pas écrivain de profession publie un texte dont l’un des objectifs est, semble-t-il, de réunir une communauté, de lui donner du sens. J’ai pensé à Maurice Chappaz ou à Paul André, ces « clercs » (selon les mots de Maurice Chappaz) qui sont retournés à la campagne, se sont initiés à un travail manuel, se sont intégrés dans un paysage social et se sont donné pour mission, dans leurs œuvres, de dire l’énergie de ce mode de vie. Ici, c’est directement une paysanne (institutrice de formation, d’après Éric) qui prend la plume et jette des idées qui font réfléchir et rassemblent. C’est un témoignage qui prend des formes diverses : réflexion, récits, poésie… Un maison d’édition de Lyon porte le projet : les éditions Baudelaire.
Le livre fait le tour de la question paysanne aujourd’hui et suscite la réflexion. Il met en évidence, notamment, l’« agriculture paysanne » ou familiale qui repose sur « une exploitation gérée par un paysan travaillant la terre nourricière avec sa famille ». Sur le souci de produire près du consommateur, de réduire les transports… Les auteurs de référence de Micheline Baguet sont entre autres Pierre Gevaert, Pierre Rahbi, Emmanuel Mounier, Jean Ziegler… Cela indique bien l’engagement de ce livre qui reste néanmoins très mesuré. Je me rends compte que cette année je fête mes 20 ans de présence à la potterée (siège social de l’association GE ! depuis 2006). Et ce livre aborde aussi la question des nouveaux ruraux ; des citadins qui s’installent à la campagne. Comment partager un paysage qui a ses traditions éthiques et esthétiques, s’y insérer avec respect, ne pas le coloniser, lui imposer nos aménagements ? Le livre ouvre un dialogue.
L’intégration est une vieille question bien d’actualité. Mais n’est-il pas naturel et heureux de rester, quelque part et toujours, un étranger ?
Hugues Robaye
Micheline Baguet, Le mot PAYSAN, Lyon, Éditions Baudelaire, 2009
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