Ivan Klima
21022011Lauréat du prix Franz Kafka en 2002, l’écrivain tchèque Ivan Klima a reçu l’année passée le prix Karel Capek. Philip Roth, ancien lauréat du prix et parmi ceux qui firent connaître Klima à l’Ouest, opposait celui-ci à Kundera, relevant « sa tendresse sans le contrôle ou la protection de l’ironie ». Pour moi qui ai été ébloui par la lecture, il y a près de vingt ans, de son roman Amour et ordures, c’est un grand bonheur qu’il ait accepté de me recevoir prochainement à Prague et d’accorder une interview à paraître dans MaYaK.
Dans ce roman largement autobiographique, écrit à une période où, interdit de publication, il avait revêtu la veste orange des balayeurs de Prague, Klima s’effraie des déchets matériels, mais aussi et surtout humains, que produit notre monde. Zygmunt Bauman s’en est souvenu récemment en écrivant Vies perdues.
C’est aussi dans ce roman que j’ai lu pour la première fois une dénonciation de la dégradation contemporaine du langage, un thème repris chez nous aujourd’hui tant par Annie Le Brun que par la politologue Marie-Dominique Perrot.
Klima m’apparaît encore comme un précurseur lorsque, mettant en parallèle la création artistique et l’exploitation des ressources terrestres, et considérant une certaine exténuation de l’art contemporain, il se demande s’il n’y a pas une finitude au monde des formes comme il y en a une au monde matériel, et donc là aussi des limites à la croissance.
Ivan Klima enfin s’est longuement penché sur l’oeuvre littéraire de Kafka, qui l’a marqué plus que toute autre . Or voici un thème proche de Solitudes en sociétés. Selon Klima en effet, le destin de Kafka est un déchirement entre deux aspirations contradictoires: la peur de la solitude, le désir de rejoindre la femme aimée et par là les autres hommes; et d’autre part l’aspiration à une authenticité et une liberté qui ne pouvaient subsister chez lui sans cette solitude. C’est dans ce déchirement que, selon Klima, s’origine toute l’inspiration de Kafka.
Ainsi j’espère sur l’actualité de ces thèmes des réponses éclairantes d’un homme qui, rescapé du camp de Terezin puis combattant l’oppression totalitaire, me paraît demeurer jusqu’à aujourd’hui une grande figure humaniste.
Xavier Vanandruel
Ivan Klima, Amour et ordures (épuisé, mais trouvable en occasion); Amants d’un jour, amants d’une nuit; Esprit de Prague
Catégories : Annie Le Brun, Ivan Klima, Zygmunt Bauman