Jean-Claude Pirotte, « Ajoie »

22052012

Jean-Claude Pirotte, Jean-Claude Pirotte chante « Monsieur William » de Léo Ferré, à Bratislava, a long time ago. Photo de Lenka Fillnerová.

Je garderai toujours ces souvenirs en moi. Précieux, si précieux, si nourrissants.

Je conduisais la Volvo sur ces routes sinueuses. Nous allions à Cerveny Kamen, un château près de Bratislava. À un moment, je vois une vieille demeure ruinée.

Je dis à mon passager : « Tu as vu ? ». « Oui, j’ai vu » : une réponse du genre coup de patte au chiot…

Derrière, il y a la danseuse Lenka Fillnerová et le spécialiste (incompris) de Gustave Guillaume, le linguiste Jan Taraba qui nous emmène voir les caves de son père viticulteur. C’était il y a, je ne sais pas, 17 ans ?

Nous nous arrêtons près du château. Avec Lenka et Taraba, nous regardons cette bâtisse.

Jean-Claude Pirotte a disparu. Comme toujours. Il a repéré directement une petite chapelle, derrière, dans le parc abandonné où des tilleuls centenaires forment encore une allée incertaine. Je le rejoins. Je le vois. Cette force. Cet homme maigre et tendu est poreux aux paysages, au temps. Les porte en lui. C’est ce que je me dis. Le château net ne l’intéresse pas, évidemment.

Ajoie : poésie (au singulier). Son dernier livre. Des poèmes. Non. Toujours cette légère ironie aimante, cet art de faire des vers médiévaux aujourd’hui et très justement. Une chanson. Cet art de la coupure qui fait que chaque vers vaut en lui-même et se change quand vient le suivant. Une région (Ajoie), un saint (Saint Fromond). Poèmes suivis d’une légère notice historique.

Curieusement, ce livre est comme un guide enchanté où toute la vie en mouvement de cet avocat défroqué se condense discrètement.

Une région perdue. Mais vous la sentez.

Quand je le lis, je l’entends toujours, sa voix de malfrat lumineux.

HR

Jean-Claude Pirotte, Ajoie, Paris, La table ronde, 2012.

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EXPO ce week-end: Faezeh Afchary.

16052012

EXPO ce week-end: Faezeh Afchary. dans ceramique Fazy-069retfb-150x112

Ce week-end, 19/20 mai. FAEZEH AFCHARY dans 2 lieux d’expo de céramistes.

À 1190 Forest (Bruxelles). De 10 à 18h.

CERAMIC MARKET (32 céramistes). Place Saint-Denis.

« TENDANCES » : 11 céramistes. Rue de l’eau, 56A. 

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Faezeh Afchary. Porcelaine papier poétique, fragile et vitale.

15052012

 Faezeh Afchary. Porcelaine papier poétique, fragile et vitale. dans ceramique Fazy-081ret-fb2-150x112  Fazy-083-retfb2-150x112 dans Faezeh Afchary

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En Iran, dans le peuple, la poésie est quotidienne et flux continu. En Iran, la poésie est sagesse et réconfort. La poésie est dans les corps et sort spontanément par la parole pour glorifier chaque instant de la vie.

Un homme vous bouscule dans la rue et des vers anciens (ou modernes) viennent dire ce trouble, ce manque de respect pour ton corps. Et parfois, c’est la voix du petit vendeur « pauvre » et « analphabète » qui te dit cela, témoin de l’incident. Et cet incident est oublié et un sourire plus large te revient.

J’ai compris cela quand ma chère amie, Faezeh Afchary, m’a parlé de son pays.

Et j’ai vu et senti cela dans ses porcelaines papier moulées et cuites trois fois, sur lesquelles elle écrit (après la deuxième cuisson et avec un très fin pinceau trempé dans des pigments) cette poésie du quotidien qui est nourriture du corps. Et qui fait que le monde tient.

Pour Fazy, cette inscription sur la fine terre cuite, c’était d’abord pour célébrer et rendre éternel le compagnon poète qui était mort, puis c’est devenu écrire cette parole qui traverse les âges et les soutient, parole belle, gratuite et utile des poètes persans d’hier et d’aujourd’hui.

Bol ou table, c’est le moment de se nourrir…

Porcelaine papier translucide, légère, vivante…

HR

www.afchary-kord.com




Alice Bossut

15052012

Alice Bossut dans Alice Bossut alice-003-150x112    alice-011-150x112 dans parcours d'artistes Saint-Gilles

En avril et début mai les fleurs des fruitiers craignent les gelées encore, espèrent des abeilles. Malgré ces aléas  le  renouveau du printemps  me revigore toujours  plus que les certitudes de l’été.  Il y a quelque chose comme ça aussi dans la création: on peut être plus touché par de jeunes artistes qui se cherchent encore que par l’assurance de talents reconnus.

C’est ainsi qu’il y a peu de temps j’étais impressionné par un duo de tout  jeunes musiciens -un trompettiste, un guitariste- dans une rue aux abords du vieux Lille. Ce dimanche j’ai rendu visite à la jeune graphiste Alice Bossut, dans le cadre du parcours d’artistes de Saint-Gilles.

Alice écrit: « Adopter un langage une logique.  Chaque fois, c’est s’aventurer de nouveau sur un chemin inconnu, le rebrousser, essayer ailleurs… Malgré le doute, cette errance permet une forme de liberté. Je ne cours pas, je m’égare… »  Il n’y pas de terme à cette exploration.  Elle me dit: « On ne parvient jamais à épuiser un sujet. »

Suspendus à la vitrine du rez-de-chaussée, des dessins qui donneront peut-être la matière d’un ouvrage. A l’intérieur, un livre, Savon, qui vient de sortir aux éditions Tandem, un loup qui hurle aux étoiles, une assemblée foisonnante…

A voir encore le we prochain, de 14 à 19h, au 135A rue Antoine Bréart.

Xavier Vanandruel




Rayonnement endogène (bis, voire Ter(re)…)

4052012

Rayonnement endogène (bis, voire Ter(re)...) dans Aminata Traore P1230026-ret-fb-150x106 P2060127-ret2-fb-150x110 dans architecture/urbanisme Raoul Soma, Mady Sankara, Laetitia Kiemtoré et sa mère

P1210003-fb-150x112 dans Bomavé Konaté P1190009-recad-fb-150x110 dans Burkina Faso Victor Démé, Séri Youlou et Thomas Zida

Boromo-18-1-8-ret-103x150 dans economie roommusic-150x74 dans Muriel Logist Bomavé Konaté et la pochette du cd qui accompagne le MaYaK6, œuvre de Muriel Logist

Laurence-et-le-Burkina-FB-et-blog-150x104 dans Patrick Armand Pognon Bendogo, Laurence Warnier

Je viens de terminer le texte qui figurera sous le dessin de Laurence Warnier, en dernière page du MaYaK6 qui se pointe à l’horizon. Enfin ! Il y a du retard… Est-ce grave ? Un numéro de MaYaK, pour moi, est une chose organique qui se métamorphose au cours du temps. Toutes ces matières mots et images s’associent et les significations de ces proximités un peu hasardeuses viennent avec le temps. Comme si l’intuition devait mûrir.

Publier, c’est arrêter un moment un processus intuitif, celui de la composition mouvante. Mais aussi en commencer un autre, un autre moment/mouvement, celui de la réception par le public qui va faire d’autres associations. Je crois que nous vivons MaYaK ainsi, nous qui le faisons et y sommes tout ce temps… Je ne sais pas si c’est compréhensible ce que je raconte. Enfin, cette dernière page évoque ce voyage au Burkina que j’ai fait en janvier février passé. Encore ! Voyage déterminant en ce sens que j’ai envie de rester dans ce Burkina que nous avons composé, tous les gens que j’ai rencontrés, tous les auteurs que j’ai lus et moi…

Dans son petit chantier ensoleillé de Banfora, l’ébéniste Raoul Soma m’a montré un ouvrier sous l’ombre d’un manguier, occupé à sculpter avec un maillet des plus primitifs (un simple pieu) et un ciseau à bois l’accoudoir d’un futur fauteuil de salon. Le grand sociologue Bernard Lédéa Ouédraogo nous (avec Ramata Nafissatou Ouédraogo) a parlé des écoles rurales d’antan, une réponse didactique adaptée à l’économie agraire du pays, où le paysan était respecté dans sa langue et dans son amour de la terre. Il nous a parlé des Groupements qu’il a mis sur pied progressivement et de toutes les productions inventives que ses encourageants animateurs de village avaient suscitées. « Nos femmes ont inventé le couscous de pomme de terre ! Savez-vous tout ce qu’elles tirent du fruit du nime? » (Eh bien, je ne pouvais même pas l’imaginer…). La jeune diplômée en tourisme Pingdwende Kaboré veut promouvoir la cuisine traditionnelle burkinabè et la construction en banco (terre crue), des formes de tourisme où le voyageur peut sentir l’habitat traditionnel des ethnies du Burkina. Le nutritionniste Barthélémy Kaboré construit une ferme pédagogique pour sensibiliser les petits Ouagalais au terreau rural. Nous avons rencontré le « coach à l’africaine » Patrick Armand Pognon qui développe à travers l’Afrique un réseau d’ambassadeurs du développement pour promouvoir des projets no budget basés sur l’entraide de cette toile. Le musicien Ousmane Dembélé veut construire une école de musique pour conserver les anciennes musiques que seuls les maîtres en voie de disparition habitent encore vraiment. Le chanteur Victor Démé me demandait ce que sa génération trop souvent coupée de ses racines va léguer aux enfants et petits enfants et chante à cela et irrigue son auditoire. L’économiste Aminata Ouoba nous disait que son boulot à la banque ne lui plaisait pas tant que ça mais, ses jus naturels, ses savons, ses tenues traditionnelles ; ah, s’y remettre avec sa petite équipe de femmes ! Le jeune hôtelier Wendyamb Zongo de Banfora me racontait ses projets au service des voyageurs de passage : faire un petit restaurant dans cette jolie cour, avec des kiosques en paille (« Annexe Jackson », chambres avec ventilo). Le grand avocat Titinga Pacere me parlait des Indignés du Nord et du calme de la vie africaine recherché par les Occidentaux. L’instituteur Mady Sankara me montrait les produits naturels qu’il commercialise et des photos des bâtiments de son association où s’établira bientôt une crèche. La professeur de didactique, Laetitia Kiemtoré me parlait de l’action de son association encourageant le développement, en support aux petites associations villageoises. Le chef de chantier Thomas Zida me disait combien le projet de la Voûte Nubienne permettait au paysan burkinabè de construire sainement et à peu de frais ; et son cofondateur Séri Youlou me racontait les origines de cette belle aventure… « Puissance est plus importante que magie » nous disait le sculpteur de masques Bomavé Konaté, à Boromo. Le sociologue Abdramane Sow nous racontait comment on fait des enquêtes sur les ressources des villages, permettant à son association d’écotourisme de « développer sans abîmer », selon les mots de son grand collègue, Bernard Lédéa Ouédraogo.  Etc., etc.

Qu’elles fassent, pensent, créent, toutes ces personnes m’ont émerveillé par ce rayonnement en elles, communicatif, transformateur, créateur de société… Rayonnement endogène… MaYaK, Observatoire des Rayonnements Endogènes…

C’est bien pour cela que j’ai eu envie de remplacer le mot « développement » par le mot « rayonnement ». Comme si tout était déjà présent. Et simplement à valoriser comme le font Aminata Traoré qui parle de « modernité africaine » ou Joseph Ki-Zerbo qui disait « postmodernité africaine », évoquant cette économie sociale pas spécialement industrielle qu’il sentait revenir en force dans les pays du Nord et qu’il savait encore en puissance et en acte dans les pays du Sud. Laissons donc ces forces du Sud nous aider…

Un Nègre blanc, cousin trop éloigné des des « Blancs-Noirs » (Bernard Lédéa Ouédraogo).




L’impossible L’autre journal

2052012

L'impossible

« Par quel mépris de soi juge-t-on impossible de balayer cette économie qui programme son anéantissement en accaparant et en saccageant le monde? [...] La vie prime l’économie. La liberté du vivant révoque les libertés du commerce. » Ces propos de Raoul Vaneigem,  semblables à ceux qu’il tient avec  la même vigueur depuis de nombreuses années*, je les ai trouvés dans les pages du deuxième numéro d’un nouveau magazine, L’impossible L’autre journal **. Outre la plume de  Raoul Vaneigem, j’y ai reconnu celle  de Francis Marmande, écrivain et critique de jazz,  et le crayon de Benoît Jacques, figure mythique de la littérature jeunesse, qui, assoiffé de liberté, décida un jour de quitter les grands éditeurs pour s’autoéditer.

Le lancement du mensuel L’impossible, d’abord prévu pour le printemps 2011, fut d’abord repoussé à l’automne de cette même année. Le premier numéro sort en définitive le 14 mars 2012:  « Il est né de ce  sentiment finalement assez rare, d’un pari: la confiance ».  Patatras! l’absence ce jour du numéro dans les kiosques gâche la joie : le diffuseur avait fait défaut, sans prévenir du retard.

Mais les rédacteurs persévèrent,  s’obstinant à vivifier des mots semblés morts sur  la grande scène de la marchandise : « sincérité, engagement, morale, foi dans les oeuvres- toutes choses très sérieuses qui n’excluent ni la gaieté ni la légèreté, toutes choses très graves qui n’excluent ni l’ironie ni l’intelligence. Il s’agit de l’espoir qu’un journal entre dans la vie de chacun et, à sa façon, la bouleverse. »

Mots que les Mayaques comprennent.

Bonne chance à L’impossible !

Xavier Vanandruel

* voir en particulier le MaYaK4

** www.limpossible.fr

 

 




Andrei Zviaguintsev, « Le bannissement »

2052012

Andrei Zviaguintsev, Konstantin Lavronenko et dans le miroir, Maria Bonnevie

Mon cher Xavier,

Merci de m’avoir rappelé de regarder les films d’Andrei Zviaguintsev. Le dernier, ce sera pour plus tard, tu sais je suis immobilisé. Mais j’ai revu Le retour (2003) et vu Le bannissement (2007). Et c’est ce dernier qui m’a empêché de bien dormir cette nuit… Je ne l’ai vu qu’une fois donc pas vraiment vu. J’ai vu quelque chose disons, sur ces 150 minutes… Mais j’avais envie de te répondre. Je me souviens de ce que tu disais des décors des films d’aujourd’hui, combien l’architectonique des pays riches en arrière-plan d’un film t’agaçait. Je comprends bien cela, c’est comme si rien de vrai ou de spirituel ou de méditatif ( ?) ne pouvait se vivre dans ce cadre. J’exagère, évidemment. Mais comme presque tout est choix dans un film, dans les images qu’un réalisateur choisit de montrer, d’assembler… Les mondes des premiers films de Iosseliani en Géorgie, c’est bel et bien fini quand il tourne en France… Évidemment ici, chez Zvia avec cette Russie tarkovskienne, entre Stalker et Le miroir ; la ville industrielle, puis ce genre de vieille demeure qu’il aimait ; ces paysages de petite steppe, vallonnés, ces plans d’ensemble hyper bien cadrés, on est ailleurs ! Ces longs plans séquences où intervient dans le champ un personnage ou une chose comme cette voiture au début, qui me rappelait celle de Nostalghia. Cette musique électronique un peu d’un autre âge (+ Arvo Pärt, aussi). Ces enfants aux visages si particuliers qui sont toujours là pour contrebalancer le monde des adultes. L’eau qui coule et ruisselle, la pluie si chère à notre ange tutélaire, Andrei. L’église perdue dans la steppe, les vieilles bagnoles impossibles… Un autre « décor », déjà… La photographie superbe, la matière des images ; cette maison décrépite, ses murs, ses meubles, ses planchers.

Du retour au bannissement, on retrouve cet horizon thématique de la paternité. Dans le bannissement, c’est beaucoup plus fort et significatif, pour moi. Paternité et amour. Langage et compréhension mutuelle des êtres. La mort brutale qui vient d’une parole pas entendue, pas comprise (« cet enfant n’est pas de toi » qui cache en fait autre chose : « nos enfants ne sont pas de nous »)… Et en réponse ou en élucidation, la lecture par les enfants, réunis avant d’aller dormir, d’un passage de la Bible sur l’amour. Comme une sorte d’horizon de vie inatteignable mais qui aspire.

Bien sûr, aussi, la construction du film, en pyramide, où la fin révèle tout de cette tragédie du destin (comme dirait peut-être le frère du personnage principal), lentement, en retournant le regard du spectateur jusqu’à ce chant des paysannes dans le champ des moissons et de la caméra, qui en travelling fait passer du personnage méditatif à ces femmes de toujours qui portent sa méditation ?

Dans le désordre et sans entrer dans le détail.

« Quelle est l’odeur de cette maison ? », demande plusieurs fois l’enfant…

Hugues







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