« Le corps qui sait dire en toi une sagesse qui t’étonne » : Dominique Sampiero

30062012

Je ne connaissais pas cet écrivain qui a pourtant déjà écrit plus de 35 livres. Poète, prosateur, scénariste (deux films pour celui qui a été son beau-père, Bertrand Tavernier).

Nous arrivions chez Michel Voiturier à Barry (près de Tournai, Hainaut picard belge), Faezeh Afchary, Christiane Deviaene, Françoise Lison Leroy, Jacky Legge et moi et prenions place dans la véranda, grande serre ventilée pour poètes en croissance…

Dominique Sampiero était là en bout de table. Et ce regard bleu franc et céleste, ces fines lèvres discrètes, souriantes et charmantes, ces cheveux grisonnants bouclés mi-longs ; ce visage, il me semblait l’avoir déjà vu quelque part.

Il avait apporté des livres pour les membres d’Unimuse qui avaient la chance de le rencontrer (ou de le revoir) ce soir-là, le jeudi 28 juin dernier.

Je lui échangeais son étude sur Henri Matisse (chez Invenit éditions) contre un MaYaK6 encore tout odorant.

Les affaires courantes de l’association une fois réglées, l’écrivain prenait la parole sur une question de notre hôte.

Et là commençait la rencontre. Avec une vie. Avec un récit. Avec des mots savourés qui remettaient en forme, en notre présence, la vie d’un homme qui écrit. Qui doit écrire, me disais-je.

La saveur. Les plats de zakouskis se passaient de main en main. Assis à sa droite, je les passais à Dominique Sampiero qui accumulait son butin devant lui, en sirotant par moment un whisky, tout en continuant à évoquer son enfance, le milieu ouvrier militant de sa famille, le Nord avec son ciel insistant, obligé ; la première expérience de la poésie, traumatisante, considérée comme une maladie par la maman (qui appelle d’ailleurs le médecin) ; le drame : un cousin qui meurt devant lui. La psychanalyse longue qui s’ensuit, la rencontre avec la fille de Tavernier ; celle avec le père ; le premier scénario : Ça commence aujourd’hui (1998).

À l’entendre, la vie sortait de la parole et de l’écriture.

De cet oral vif, de ce plaisir du récit et de l’évocation. De ses mots d’un hasard choisi…

Ce soir-là, une vie-écriture se recomposait devant nous, dans le naturel (mais ciselé) de la parole du conteur. Venait l’évocation orfèvre de la grille que le grand-père actionnait pour se rendre dans son potager aux salades démesurées. Ce détail, quel rapport avec une rencontre sur la création poétique ? Nous étions au cœur des choses…

Puis Il lisait un extrait : ce moment de conscience où le jardin et le ciel commençaient doucement à remuer le narrateur, à l’attirer, à lui faire perdre assurance.

Sa lecture était émouvante car je croyais sentir qu’elle entraînait l’écrivain lecteur quelque part, dans un indéterminé qu’il retrouvait et qui fragilisait sa voix lente et étonnée. Et je sentais cette émotion que j’avais ressentie un soir jadis en lisant dans un auditoire genevois un texte de Jean Giono. Il y expliquait que ce qu’un poète pouvait dire du fleuve, un géographe n’y parviendrait jamais. À un moment du texte, en une vague profonde, Giono donnait la preuve de son propos en une phrase poétique redoutable. Et moi, je devais incarner cela dans la lecture de mon corps. C’est en moi que je sentais une vague remonter et je me demandais, en voyant sur le papier la phrase approcher, si je résisterais…

J’écoutais Dominique Sampiero et sentais quelque chose comme cela dans sa lecture. Comment dire ? La fragilité de l’humain toujours indéterminé, toujours confronté à l’inconnu, touché, ému (mu de l’intérieur par des extérieurs, dans ce jeu permanent avec le monde).

L’intime…

Et le social. Le capitalisme tue, disait-il aussi, en homme engagé, évoquant le suicide de parents d’élèves dans son école du Nord où la misère sociale, physique et morale, si elle ne menait pas toujours à cet acte dernier, était le lot de tout moment…

Il parla aussi de son attention aux gestes dans le silence. Quand il écrit un synopsis puis un scénario pour le cinéma.

 

Ce qui pourrait faire la force des philosophes (je dis ça parce que j’ai un diplôme dans le domaine…), c’est leur ignorance. Et leur questionnement vital, continu mais pas paralysant ( !), sur les « causes » (passionnément infinies) de leur expérience.

Qu’avais-je donc déjà rencontré dans Dominique Sampiero ?

HR

Dominique-Sampiero-002blog-150x112 dans Dominique Sampiero  Dominique-Sampiero-003retblog-150x115 dans éditions Invenit




Entretiens burkimayaques 5 : « L’agro-écologie de Pierre Rabhi au Burkina Faso : SYLVAIN KOROGO »

22062012

Entretiens burkimayaques 5 :

Le samedi 28 janvier dans les Jardins du Maire, à Ouagadougou, nous rencontrons – Ramata Nafissatou Ouédraogo et moi – un ami de Pierre Rabhi: Sylvain Korogo.

Dans les années 80, il avait assisté et facilité tout le travail de Rabhi au Burkina Faso : sensibiliser les populations à l’agro-écologie (comme réponse aux grandes sécheresses de la fin des années 70).

Refusant engrais chimique, pesticides, machines lourdes, l’agro-écologie rend le paysan autonome. Mais plus qu’une pratique agricole particulière, l’agro-écologie irradie une pensée de la relation de l’homme à la terre. Au cœur de ces pratiques agricoles douces, il y a un respect inconditionnel pour la « Terre-Mère » et une célébration continue de ses délicats équilibres et de l’interdépendance de ses
« enfants ».

Cela rejoint les pensées africaines des esprits de la Nature. Que l’homme doit ménager et soigner.

En écoutant Sylvain Korogo, j’ai été frappé par cette conscience profonde qu’il exprime : la nécessité de donner un sens quasi spirituel au travail du paysan. Sans cela, l’enseignement ne passe pas.

Enseignement ?

Depuis le départ de Pierre Rabhi, Sylvain Korogo prolonge le travail de fond de son ami et reste en contact avec lui. Il fonde en 1991 l’association AVAPAS : « Association pour la vulgarisation et l’appui agro-écologique au Sahel ». Il est aussi Conseiller régional IFOAM, la fédération mondiale de l’agriculture biologique. C’est un homme passionné qui ne dissocie pas l’agriculture de la culture, des arts d’expression…

Dans un pays où l’agriculture occupe plus de 90 % de l’emploi (selon le chiffre cité par l’architecte Roger Marcorelles dans son excellent guide (à recommander absolument)), et se divise en myriades de petites exploitations, Korogo travaille à donner fierté au paysan (et à l’éleveur), à la façon de Bernard Lédéa Ouédraogo, un autre ami…

Leur donner fierté. Et conscience de l’importance de leur travail de base… Leur faire sentir la beauté qu’irradie ce travail ainsi conçu, où le paysan est aussi appelé à constamment découvrir de nouvelles associations culturales, de nouvelles astuces malicieuses, de petites améliorations techniques…

Car Korogo forme aussi des paysans chercheurs.

HR

P1280015retblog-150x114 dans AVAPAS Photo de Ramata Nafissatou Ouédraogo

fichier pdf Entretiens burkimayaques 5 : Sylvain Korogo

Entretiens burkimayaques 5 : écouter Sylvain Korogo




« Bruxelles Aires » chez Marianne Uylebroeck, sur les quais de Lessines

22062012

Le monde des quais, Marianne Uylebroeck

Lessines (Hainaut belge) est une ville morte bien vivante. On le sent directement, quand on s’approche de la maison de Marianne Uylebroeck, en ce 17 juin, un dimanche après-midi ensoleillé. 

Les eaux sombres et presque immobiles de la  Dendre, les quais en pierre de taille, comme un déjeuner sur l’herbe à côté de l’eau ; des gens qui devisent devant la porte ouverte de la maison. J’aperçois tout cela et je m’approche. De l’autre côté de la rivière canalisée, l’imposante malterie du siècle passé qui a brûlé l’année dernière. Pignons de briques rouges en ruine romantique ; par le trou des fenêtres on voit des poutres calcinées qui plongent et le bleu du ciel. Plus loin, sur l’autre rive du canal, la tour de déchargement rouillée et classée, vestige de l’activité des carrières de porphyre. À gauche, les écluses et le chemin de halage qui mène à Grammont – on y va en vélo. Il est bordé d’une colline broussailleuse, ancien site d’une carrière. Et puis ce chapelet de bâtiments à caractère industriel dont on ne parvient plus à déchiffrer l’affectation originelle, aujourd’hui transformés en habitations ou laissés à l’abandon. Ensemble biscornu et beau, perdu dans un présent oublieux.

Et voilà Marianne qui avance sur le chemin de halage, entourée d’une louvoyante équipe de télévision… Il y a concert chez elle cet après-midi. Et la télévision régionale « Notélé » n’a pas manqué cet événement (d’ailleurs mensuel). C’est l’anniversaire de Marianne, et ses amis musiciens sont venus la fêter.

Bruxelles Aires tango orchestra, une formation : deux chanteuses musiciennes (Monique Gelders à l’accordéon diatonique et Lola Bonfanti à la contrebasse), un pianiste (Dan Barbenel), un violoniste, Josselin Moinet (il confie sa guitare occasionnelle à une jolie spectatrice qui la couche délicatement sur ses genoux). Nous sommes une quarantaine dans le salon de Marianne…

Donc musique ! Tango ? Un répertoire varié : des chansons de Carlos Gardel, des mélodies instrumentales des années 30, le tango nuevo d’Astor Piazzola.  Une suite bien orchestrée de morceaux de tonalités chamarrées : du drame noir de la saudade éternelle, la mélancolie amoureuse, la passion aux scènes jaunes comiques, aux rires complices avec le public. Une mise en scène : un café-théâtre de musiciens. Certains d’entre eux jouent aussi dans les Baladins du Miroir. De courts commentaires plaisants sur les lieux de danse et les compositeurs argentins (ou français, puisque l’un des tangos a été composé par Josselin !). C’est Monique qui s’en charge. Et puis Lola, la contrebassiste soprano se mêle, enjôleuse, au public, chapeau rouge tendu et s’arrête devant les hommes qu’elle séduit de sa voix d’opérette. Tout cela dans un enchaînement bien pensé. Le public est joyeux.

Les musiciens invitent Marianne (occupée à couper les délicieuses tartes qu’elle allait proposer plus tard) à les accompagner. Elle arrive avec son accordéon.

C’est que Marianne est accordéoniste virtuose et pédagogue (parmi ses innombrables élèves, on compte notre gracieuse collaboratrice, Muriel Logist et aussi un certain Didier Laloy…).

Je suis à gauche au premier rang à 50 centimètres de Dan, le pianiste écossais. Je regarde le public fasciné par cette atmosphère de cabaret.

C’est l’entracte.

Je sors, une Quintine (bière d’Ellezelles) à la main. Générosité des musiciens : la première partie fait une heure, la seconde 45 minutes ! Lessines des bons airs et eaux !

Je pense à ces réseaux qui changent notre monde discrètement, à ces organisations citoyennes qui donnent espoir, in spite of, selon la devise du grand John Cowper Powys. Et je murmure : merci Marianne. La ville morte palpite sous mes pieds.

HR

BXL-aires-blog-150x113 dans Marianne Uylebroeck Dan et Josselin, une photo de José Moya, un spectateur venu de Colombie

Lola-blog-114x150 dans tango Lola, par Marianne Uylenbroeck

Marianne-blog-150x114 Monique et Marianne, par la photographe inconnue que nous remercions




Victor Démé : Quel monde allons-nous léguer à nos enfants ?

13062012

Victor Démé : Quel monde allons-nous léguer à nos enfants ? dans Camille Louvel P1210001-retblog-150x112 L’entrée de la « cour » de Victor Démé, Bobo Dioulasso (Burkina Faso)

P1210020fb-blog-150x112 dans GAFREH Issouf Dramé et Victor Démé

Durant cette longue période de préparation du voyage au Burkina, j’ai écouté de la musique burkinabè et en particulier le chanteur, Victor Démé qui avait à son actif deux CD.
Son travail me touchait beaucoup. Sa voix, sa guitare, les accompagnements (plus recherchés sur le second album) ; ses appels au peuple burkinabè, en français ou en dioula…
Je lisais sur lui : une vie un peu errante et difficile ; il allait de copain en copain emprunter une guitare… Puis, il rencontre le Français Camille Louvel à Ouagadougou. Et un premier CD sort ; il a déjà plus de 45 ans…
Depuis la Belgique, j’ai pris contact avec ce jeune producteur qui avait tenu un club, « Ouaga Jungle », dans la capitale du Burkina Faso. Maintenant, il animait un studio de production : « Chapa Blues », toujours à Ouaga.
Il m’avait gentiment transmis les coordonnées de Démé. Je lui avais écrit un mail, mais il était resté sans réponse.
J’étais au Burkina le 5 janvier 2012.
Le vendredi 20 janvier, vers 14h, à Bobo Dioulasso (province de Houet) – nous venions de visiter les locaux de l’association GAFREH, dans la maison des artisans et nous prenions l’ombre à une terrasse couverte -, j’appelais ce numéro que j’avais recopié dans mon carnet de voyage. Et le chaleureux Victor Démé nous invitait chez lui, pour le lendemain, à une des répétitions de son nouvel album qu’il enregistrerait un mois plus tard. Accompagné à la basse électrique par Issouf Dramé, il nous chantait huit chansons en s’accompagnant à la guitare.  
Il nous demandait de ne pas diffuser l’enregistrement de cette session acoustique.
Mais voici tout de même l’entretien qu’il nous accorda le lendemain ainsi que sa retranscription.
Comme dans les retranscriptions précédentes, j’ai choisi de rester fidèle à l’expression orale, aux associations propres à celle-ci. Il me semble qu’on y repère la silhouette de l’homme qui nous parle.
Et puis, le français (ou les français) qui ont été adoptés par les cultures africaines ont reçu une part d’elles-mêmes, de leur façon de dire dans la langue. J’ai gardé cette marque dans les retranscriptions que j’ai faites. Personnellement, j’aime cela. Et je préfère à la correction la création, la spontanéité et la sincérité…

HR

fichier pdf Entretiens burkimayaques 4 Victor Démé

Chez Victor Démé, le 22 janvier 2012

P1210026blog-fb2-150x112 dans Issouf Dramé Issouf Dramé armé de sa basse et tenant en main un projet mayaque illustré par Laurence Warnier; Victor Démé et Ramata Nafissatou Ouédraogo. Dans le salon, salle de musique et de télévision.




Avec Maître Titinga Pacere : Pour la formation de l’homme. Entretiens burkimayaques 3

6062012

Avec Maître Titinga Pacere : Pour la formation de l'homme. Entretiens burkimayaques 3 dans Afrique Pacere-30-1-7blog-150x112

Le 30 janvier 2012, un lundi, Laetitia Kiemtoré, Ramata Nafissatou Ouédraogo et moi avions un entretien avec Maître Titinga Pacere, premier avocat du Burkina Faso, Ministre des Coutumes à la Cour de Manéga, ancien bâtonnier, écrivain prolifique (plus de cinquante ouvrages), défenseur et conservateurs des cultures africaines. Ses distinctions honorifiques seraient longues à énumérer. Il est aussi le fondateur de ce « Musée des traditions » à Manéga que nous venions de visiter avant d’avoir la chance de le rencontrer sous un « hangar » de bois et de paille, en pleine nature… Respect des cultures vernaculaires et échanges entre les cultures pour imaginer ensemble un monde plus équilibré : deux pôles de sa réflexion humaniste et cosmique… Un regard sur les dérives du Nord trop souvent méprisant…

HR

fichier pdf Entretiens burkimayaques 3 Pacere

Entretiens burkimayaques 3 : Titinga Pacere




Avec Bougadar Koné et Abdramane Sow : « Yiriwa » : appuis conseils en écotourisme. Entretiens burkimayaques 2

6062012

Avec Bougadar Koné et Abdramane Sow : de g à d, Abdramane, Ramata et Bougadar

Le 7 janvier 2012, Ramata Nafissatou Ouédraogo et moi rencontrions deux membres de l’association burkinabè d’écotourisme, « Yiriwa » : le président, Bougadar Koné, et le trésorier, Abdramane Sow. Nous avions rendez-vous au « Café des pros » du village du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO).

Il n’y a pas de structures « écotouristiques » au Burkina Faso. Des initiatives ci et là, qui parfois se raccrochent à cette appellation à la mode mais sans rigueur d’action. La petite association « Yiriwa » fait figure de pionnière. Son travail consiste à étudier des milieux naturels habités susceptibles d’accueillir des voyageurs. De recueillir de l’information. D’encourager des initiatives qui viendraient des villageois, de les aider à s’organiser notamment dans leurs rapports avec les autorités.

Pour ces deux animateurs, le phénomène de l’écotourisme est un questionnement. Ils réfutent en tout cas la vision romantique du tourisme que cette appellation pourrait charrier. Et leur action, entre sciences humaines et écologie part toujours, justement, de préoccupations écologiques de sauvegarde et de gestion de milieux naturels.

HR

fichier pdf Entretiens burkimayaques 2 Yiriwa

Entretiens burkimayaques 2 : Yiriwa (1)

Entretiens burkimayaques 2 : Yiriwa (2)




Avec Bernard Lédéa Ouédraogo, vaincre la faim au Yatenga: tradition, astuce, invention. Entretiens burkimayaques 1

6062012

Avec Bernard Lédéa Ouédraogo, vaincre la faim au Yatenga: tradition, astuce, invention. Entretiens burkimayaques 1 dans Afrique Bernard-L%C3%A9d%C3%A9a-ret-blog-150x112

Nous le disions plus bas, nous avons eu la chance de rencontrer ce grand sociologue, le 3 février 2012, aux Groupements Naam.

Voici le pdf de l’entretien, ainsi qu’un lien vers l’enregistrement…

fichier pdf Entretiens burkimayaques 1 BL Ouédraogo

Entretien avec BL Ouédraogo 1

Entretien avec BL Ouédraogo 2

 







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