Avec DIOBASS Burkina Faso 2
2 03 2013Jean-Baptiste Ouédraogo, président de l’association Teel-Taaba devant un grenier à oignons.
Nous retournons vers le siège de l’association. Ouédraogo nous montre le grenier à oignons qui me semble des plus traditionnels mais qui est différent de l’ancien dont restent des ruines : quelques murs en banco (terre crue) mangés par les pluies et sculptés par l’Harmattan, qui laissent entrevoir comme une cave. L’autre, rond et coiffé d’un chapeau de paille, ressemble à un grenier à mil. Pour l’instant, il contient des carottes de maïs et je vois que le plancher est ajouré pour ventiler l’espace où l’on entreposera plus tard les oignons.
Des membres des différents groupes de recherches nous attendent sous un hangar couvert de paille, devant le siège de l’association. Commencent les présentations et les explications, depuis la création du barrage en 1969, jusqu’au milieu des années nonante quand les premiers problèmes de dégradation des sols, due aux engrais, se font sentir dans les récoltes ; la rencontre avec la structure DIOBASS ; un premier vaste atelier de réflexion qui regroupe 150 participants série les problèmes. Ensuite, au sein de l’association Teel-Taaba, des groupes de recherches se créent, composés de 15 personnes qui se penchent sur un sujet épineux.
Groupe fertilité des sols. Groupe conservation de la production. Groupe production de semences (pour ne pas être dépendants des vendeurs de semences pas toujours honnêtes). Groupe microfinance (organiser une épargne locale pour s’entraider). Groupe transformation des produits maraîchers (oignons et tomates).
Des représentants de chaque groupe m’exposent le processus de leur travail, en langue mooré, et le président ou Madi ou Léon traduisent pour moi en français. J’enregistre avec l’édirol mais je prends aussi beaucoup de notes dans mon carnet, comme le font aussi Léon, à ma droite ou Djibrillou, à ma gauche.
Je suis impressionné par le travail de ces groupes animés d’une détermination rayonnante.
Organiser la recherche, étudier un problème en partant des solutions que les traditions charrient mais aussi de la recherche agropastorale contemporaine (DIOBASS est dans une mouvance agroécologique), expérimenter, encourager la mise en pratique des solutions trouvées puis faire partager et communiquer les résultats (notamment par des brochures en langues nationales) : c’est toute une démarche de communication que DIOBASS a mise au point, renforçant les organisations paysannes. Valorisant leur travail.
Le soleil tourne et s’approche du zénith. Djibrillou n’est plus à l’ombre et nous nous nous serrons un peu contre Léon et Jean-Baptiste, le président. Décidément, j’apprends beaucoup aujourd’hui. Et ce dynamisme des cultivateurs. Cultures oui, mais plus systémiquement, un vrai mouvement social qui part d’une économie villageoise simple. Les petites exploitations familiales comme on les connaissait chez nous au 19e siècle et 20e, avant l’arrivée des engrais et pesticides liés à l’agriculture industrielle (et à la guerre). DIOBASS encourage cette forme d’exploitation qu’au nord nous essayons de retrouver. En plus des solutions pratiques résultant d’une expérimentation rigoureusement menée, DIOBASS apporte aux cultivateurs l’estime d’eux-mêmes, la confiance, la fierté. Ils animent et raniment vraiment les villages pas toujours bien considérés. Et travaillent à leur indépendance économique. Cette économie villageoise, microéconomie à promouvoir, à renforcer…
Sous ce hangar, je me sens un blanc-bec mais c’est pas grave : j’apprends, je fais des liens, j’essaie de témoigner, de comprendre, de connaître un peu mieux, de rencontrer ce Burkina des villages, d’informer, de communiquer ce que j’ai ressenti à ce contact si étrange avec ces Africains de l’avenir soucieux de leurs traditions encore drôlement bien vivaces… Traditions, modernités. À suivre…
« Modernité africaine » selon l’expression d’Aminata Traoré : à chercher dans les villages…
Hugues Robaye
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