Actualité d’Aïtmatov

24042013

Actualité d'Aïtmatov dans Tchinguiz Aïtmatov 9785699497638-95x150

C’est Hugues et Ludmila Krasnova qui m’ont fait découvrir l’écrivain kirghize, mais avant tout soviétique, Tchinguiz Aïtmatov. Les romans d’Aïtmatov peuvent paraître aujourd’hui passés, comme on dit d’une étoffe qu’elle est passée, par le ton humaniste, parfois enflé, qu’ils adoptent en plus d’un endroit. Mais ce n’est pas cet aspect-là, même si je le respecte profondément, qui m’attire aujourd’hui chez lui. Non, ce qui m’attire intensément, c’est ceci. Aïtmatov excelle à mettre en résonance l’homme et la nature. Davantage encore, dans plusieurs de ses romans, et des plus grands, Aïtmatov met en résonance, avec un très grand talent, le destin d’êtres humains et le destin d’animaux. Ainsi il y a, aux toutes premières pages des Rêves de la louve, cette  scène extraordinaire, une des plus saisissantes que j’ai lues dans un roman, de la rencontre dans la steppe désertique entre la louve Akbara, qui protège ses petits, et un homme, dont on ignore encore le nom et pourquoi il erre à pied en cet endroit, qui, terrifié, « en perd momentanément la raison » et demeure prostré, ce qui empêche au dernier moment  la louve  de le saisir à la gorge.

Peut-être est-ce les études que suivit d’abord Aïtmatov, dans la section élevage d’un institut agronomique, qui ont favorisé chez lui cette faculté de parler des animaux, ou même de les laisser parler dans leur langage non verbal.

Peut-être alors  l’actualité d’Aïtmatov tient-elle en ceci. Si l’homme occidental, celui que René Descartes engageait à être maître et possesseur de la nature, rencontre désormais ses limites, en un épuisement de cette nature et jusqu’en un épuisement de son essence d’homme, peut-être alors convient-il aussi de changer notre vision et notre appréhension  de ces êtres qui pour Descartes n’étaient que des machines en mouvement, et pour beaucoup aujourd’hui de simples stocks de viande, mais représentent sans doute une part majeure  de notre humanité même.

A lire: Adieu Goulsary ( qui met en scène le cheval, compagnon d’une vie, d’un berger, récemment réédité aux Editions du Rocher), Il fut un blanc navire (où il y a une déchéance  à tuer pour sa viande un animal sacré, Editions Phébus ), Une journée plus longue qu’un siècle ( dont l’un des personnages est un chameau indomptable), Les rêves de la louve. Ces deux derniers livres sont épuisés, très recherchés en occasion, mais disponibles en bibliothèque publique, en tout cas à Bruxelles.

Xavier Vanandruel




« Nourrir l’humanité, c’est un métier »: Cie Art & Tça (2)

20042013

Démarche théâtrale pragmatique qui permet de poser un problème, qui suscite le débat et fait sentir le monde des agriculteurs par le dialogue, le témoignage émouvant, le film, le reportage, la poésie chantée, le jeu des corps incarnés. Par un jeu efficace de formes artistiques…

Une démarche de théâtre forum comme on le pratique en Afrique : mettre en scène le vécu des gens et les faire réagir. Poser les termes d’un problème ; dans ce cas, il semble presque irrésoluble : la politique agricole commune (« dont la reine d’Angleterre est la première bénéficiaire… »), les quotas qui endettent, les contrats avec les entreprises chimiques, le gel des prix des « produits agricoles », l’assistanat généralisé et dégradant qui en résulte, la nécessité pour l’ « exploitation agricole » de croître pour survivre, au détriment du voisin, le « concurrent », l’absence d’avenir (dans ce contexte, les enfants fuient la ferme…), le mépris pour le secteur « primaire », l’absence de soutien politique (3 % de la population, quantité électorale négligeable), l’endettement et encore l’endettement, la vente de la ferme, le suicide – le théâtre exprime cette complexité et arrête les gens, leur demande de réagir. Car ce soir-là notamment, un débat s’ensuit, avec la complicité du CNCD (Centre national de coopération au développement) qui a rendu possible, avec la commune de Saint-Josse, cette soirée gratuite… Et le public urbain participe, sans doute pas avec la même vivacité que celui des campagnes à qui le spectacle fut montré en premier – les agriculteurs se voyaient reconnus, entendus, valorisés par ce théâtre de la vie abrupte –, mais les questions fusent…

Le spectacle peut-il transformer la société, initier un autre équilibre social ? Très impressionné par le travail de ces deux jeunes comédiens, j’osais y croire et je me disais qu’il fallait que le GE ! s’active à faire tourner Nourrir l’humanité, c’est un métier, et réunisse à l’occasion de ces représentations des acteurs de changement, à Lessines, Ath, Tournai ? À suivre, en tout cas.

Hugues Robaye

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« Nourrir l’humanité, c’est un métier »: Cie Art & Tça (1)

20042013

Les gradins du Théâtre de la Vie sont abrupts, chacun en conviendra. Luiza, Anouk et moi sommes assis au dernier rang, en hauteur. Il doit y avoir une soixantaine de spectateurs devant nous. Sur la scène, deux jeunes comédiens récemment sortis de la haute école d’acteurs de Liège jouent une « pièce » inhabituelle, résultat de tout un parcours, d’une longue enquête qui se poursuit encore, l’apprendré-je plus tard : ils sont allés à la rencontre du monde paysan des Ardennes, ont interrogé et filmé des agriculteurs, les ont suivis à Bruxelles au cours d’une manifestation mémorable qui aboutit aux portes du Berlaimont, ont fait des recherches (sur la PAC, notamment), ensuite écrit les paroles émouvantes que nous écoutons. Ils sont tous deux originaires de régions rurales : Ardenne et Sud de la France.

La vie est un théâtre ? Abrupte est la vie des cultivateurs. Insurmontable, pourrait-on croire. Charles Culot et Valérie Gimenez (art&tça) ont mis en scène des paroles de fermiers, se sont mis en scène eux-mêmes comme comédiens-chercheurs touchés par leur enquête et communiquant leurs découvertes et leurs sentiments ; les comédiens regardent avec nous deux séquences de leur reportage, projetées sur grand écran, et la comédienne fermière regarde avec nous la comédienne chercheuse traversant Bruxelles sur un tracteur et prenant des photos. Vertige des mises en abime… Leur expérience est encore mise en forme d’une autre manière : s’accompagnant à la guitare, Charles interprète une chanson militante qu’il a composée…

Décor : la traditionnelle table de ferme recouverte de la nappe plastifiée à carreaux… Le cœur de cette représentation : un jeune couple de fermiers raconte sa vie en conversant, les paroles de l’homme prolixe chevauchant souvent celles de la jeune femme taiseuse puis, la scène se fige quelques secondes en un tableau auquel succède un nouvel échange, un nouvel aspect du désarroi des agriculteurs. À la fin, quand la comédienne entre à nouveau dans le témoignage, elle se lève et face au public évoque la fin habituelle des rencontres avec leurs hôtes fermiers, elle évoque le silence qui suit quand il n’y a plus rien à dire… Silence alors de la comédienne qui dure, tandis qu’elle balaie du regard les spectateurs… Silence éternel…

Je vois tout cela du haut de ce gradin et je me dis qu’ici le théâtre devient la condensation d’une longue recherche où les comédiens se sont engagés et dont ils resteront marqués à tout jamais ; recherche en cours puisqu’ils continuent à enquêter dans le Sud de la France, à étudier les politiques agricoles, les directives du FMI aussi (comme me dira Charles), qu’ils veulent remodeler l’ensemble, lui adjoindre des parties poétiques. Pièce-vérité certes mais subtil artefact quand même : une articulation de perspectives différentes par rapport à la vie de ceux qui nous donnent à manger…  [à suivre]

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Un café portugais

15042013

A côté du paquebot Flagey, au début de la chaussée de Boondael, il y a un petit café portugais, fréquenté surtout par des hommes. Deux grands écrans de télévision font voir du football en direct, et l’on coupe le son quand les écrans diffusent des matchs différents. Une jeune serveuse, gracieuse mais qui ne se laisserait pas ennuyer, peut vous apporter à table un plat de bacalhau garni de pommes de terre, qui ne manque sûrement pas d’huile, ou des dés de porc avec des coques a alentejana, la terre et la mer ensemble. Avec bien sûr un vino verde. Et sur un autre mur que les écrans télé, latéralement aux amateurs de foot ou derrière eux, il y a, écrits en grand, un texte poétique en portugais et sa traduction française, dont voici les deux derniers vers :

« Dieu a donné à la mer l’abîme et le péril

Mais c’est sur elle qu’il a reflété le ciel. »

Xavier Vanandruel







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