Les ciels et les dieux de Bouli Lanners

21032016

affiche

« Oui, je suis croyant. Aujourd’hui, c’est presque plus difficile à avouer que par exemple : je suis homo, travesti ou je ne sais quoi… » : c’est ce que disait, entre autres (et plus ou moins), Bouli Lanners après la projection de Les premiers, les derniers au cinéma « Écran » de Ath, le mercredi 17 mars.

Ce film : un « western » contemporain au scénario sur-réaliste : deux détectives – Cochise et Gilou – reçoivent une mission : retrouver un gsm au contenu compromettant. En parallèle, un autre couple de personnages : Esther et son ami (Willy-qui-a-volé-le-g) parcourent un paysage désolé à la recherche de l’orphelinat où l’enfant de la jeune femme a été placé.

Un paysage de fin du monde (Esther est d’ailleurs angoissée par cette perspective), une campagne bien réelle : la Beauce aux champs kilométriques traversée par les vestiges de la voie d’essai de l’aérotrain d’Orléans. Des lieux hors repères : viaduc de béton à sdf, entrepôts, bars, motels, pensions, hôpital. Et surtout, en décor-personnage, le ciel et cette vastitude désolée du Loiret, une composition de l’image qu’on retrouve, à l’origine, dans les toiles que le réalisateur brossait avant de se consacrer au cinéma (et dans tous ses films, par la suite). Les deux couples de personnages vont se rejoindre dans cette profondeur de champ(s)…

Une première mission donc : retrouver le gsm des malfaiteurs. Mais les séquences qui ouvrent le film montrent Gilou de dos, occupé à regarder le panorama de la ville qu’il surplombe, et le ciel, depuis une grande baie vitrée de building, tenant un chien (déplacé dans ce genre d’architecture) en laisse (Gibus), tandis que derrière lui, dans un bureau, se règlent les détails de l’opération, en présence de Cochise… Gilou n’est pas dans son assiette depuis le début de cette mission et est rapidement terrassé… par une crise cardiaque. Tout foire ; batterie à plat, le thriller toussote à démarrer. (Bouli Lanners expliquait que ce rapprochement avec la mort, il l’a vécu lui-même et qu’il était à l’origine du film).

Les premiers, les derniers raconte ainsi la métamorphose de Gilou jusqu’à la séquence finale où la mission de départ se réoriente du tout au tout : les derniers des hommes, englués dans la violence retrouvent une origine…

Entre-temps : les ciels, et les passages d’un clochard céleste – une sorte de Benoît Labre – qui se présente comme le Christ (tout comme au début du film Eldorado) ; il assure le lien entre les personnages et détermine de façon discrètement bienfaisante le scénario oui, sur-réaliste. J’aime bien ce dernier mot qui désignait à la grande époque une révolution de la perception et de l’engagement dans le monde visant à instaurer un autre monde qui ne dépendît pas de calculs bassement matérialistes, bourgeois (avec dans le prolongement, notre consumérisme productiviste actuel qui gangrène le terre et nos psychologies…).

Un Christ vagant, mais aussi d’autres dieux (du cinéma), des monstres (gentils et) sacrés… qui passent, tels des ailes, sur la Beauce : Michaël Lonsdale (84 ans) et Max von Sydow (86), archanges qui travaillent à la rédemption de Gilou (et préparent une scène d’inhumation qui trouve son origine, l’apprenions-nous, dans des repérages pour Eldorado (2008) parmi les squats de Liège).

Fascinant comment au sein d’un scénario aux péripéties échevelées et souvent symboliques, Bouli est parvenu à construire des scènes d’une densité émotionnelle parfaitement partageable. Ce qui d’ailleurs caractérise aussi ses autres films qui partent d’un quotidien transfiguré par les ciels, de lieux ordinaires, mais qui déplacent les personnages dans une inquiétante étrangeté qui est au fond la condition de tout homme, perdu depuis sa naissance…

Il y a aussi cette musique entre rock et blues qui assure aussi ces décollages vers le ciel.

La violence : assumant seul le boulot, Cochise assomme tout de même au passage et de façon très convaincante – tel Obélix sans Astérix – quelques brutes et récupère un temps le gsm qui a filmé et montre toute la violence – insoutenable et infernale – du monde.

Mais en contrepoint, cette relation fraternelle, attentive, soucieuse de la santé de l’autre, entre les deux chasseurs de primes, justement… Aussi, cette compassion du garçon pour la fille angoissée, fragile d’un léger handicap mental. Je pensais aux scénarios improbables de l’écrivain japonais Haruki Murakami qui semblent également des prétextes à des confrontations de personnages, à des scènes où, au fond, se dégage un lien humain délicat, hors contextes, hors oripeaux ; une profonde empathie des uns pour les autres, de quoi pulvériser un instant les fins de monde…

Les bagnoles s’y mettent aussi (Bouli les aime) : les détectives arrivent en 4×4, repartent, premiers ou derniers, en caisse pourrie. Et il y a ce fabuleux antique corbillard américain azur (« vert émeraude » me dit Chloé, mais moi, je veux le croire azur tant il mène au ciel), piloté mollement par le seigneur suédois du Septième Sceau.

Il y a plein d’autres choses…

Où Bouli Lanners nous emmène-t-il donc ? 

« On n’en parle jamais, de l’essentiel. Moi, je suis croyant. La vie, pour moi, c’est un don. Mais quand on n’est pas croyant, c’est encore plus fort, c’est-à-dire qu’on sait que la vie est quelque chose d’extrêmement rare. C’est un coup de bol hallucinant, dans tout le cosmos, que sur cette petite planète, la vie ait émergé et des êtres humains soient arrivés. C’est quelque chose d’exceptionnel, une expérience unique, qui ne se renouvellera peut-être jamais. Le fait de vivre n’est pas du tout le quotidien du cosmos. Alors bon, on ne peut pas résumer l’existence à travailler à l’équilibre budgétaire ! Quant à la croissance… Moi j’aimerais bien qu’on amorce une décroissance, à tous les niveaux. Qu’on consomme moins. Qu’on se libère des biens matériels. Et qu’on en revienne aux besoins fondamentaux de l’homme : manger et avoir chaud. La logique économique d’aujourd’hui, c’est de fabriquer des besoins. »

Un extrait de l’excellent entretien de Nicolas Crousse avec Bouli Lanners, paru dans « Le Soir » du 5 janvier 2015 et disponible en pdf sur le net… 

Les premiers, les derniers avec Aurore Broutin, Suzanne Clément, Albert Dupontel, Bouli Lanners, David Murgia, Philippe Rebbot…

Hugues Robaye




calendrier mayaque mars avril mai 2016 !

8032016

Ouagadougou burkina affiche blog liège 3

Les 26 et 27 mars 2016 :

« Marché de Ouagadougou », à Mettet (sud-est de Charleroi).

Exposition burkiMaYaque : 

« Le Burkina au secours de l’Afrique et de l’Occident : le Burkina endogène et agroécologique ».

Et !!! sortie du carnet de voyage du chef mayaque : Nous progressons… 6 semaines au Burkina Faso, livre de poche, 400 p.

 

olivier joue avec Olivier avec Olivier Ducène de l’Atelier PortRose

Les 15 (vernissage à 18h), 16 et 17 avril :

Exposition écophile au Repair Café de Lessines (Atelier PortRose)

à l’occasion de la sortie du premier carnet écophile : Habitants chercheurs de Lessines : Olivier Ducène et Fabrice Richard. Installation textes/sons/images.

+ toiles et sculptures de Yves Ghislain

+ les instruments « interdits de ne pas toucher », construits par Olivier Ducène et Marco Eberhaerd, à partir d’objets de récup !

 

jcp annonce blog

Le samedi 23 avril à 12 h, Librairie Quartiers Latins, 1000 Bruxelles :

« Maître Jean-Claude Pirotte » :

hommage à l’écrivain et peintre disparu en 2014.

Dialogue avec Sylvie Doizelet, écrivain et traductrice.

PAF : 5 euros.

 

fest Charleroi

Les 30 avril et premier mai 2016, de 10 à 18h :

Festival du livre de Charleroi

« Chez Raoul » (derrière la Gare).







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