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11022021Christoph Bruneel : MaYaK le Phare
MaYaK veut donc dire « phare » et j’ai vu ce mot pour la première fois au fronton d’un théâtre de marionnettes à Zilina (Slovaquie). Quelques treize ans plus tard, il me revenait en mémoire au moment du difficile choix du nom de la revue-livre que nous préparions.
Une revue, c’est un peu un théâtre de marionnettes ou une sorte de cirque dont les numéros sont présentés et reliés par un monsieur loyal, d’où cette « voix loyale » qui caractérise la composition de chaque numéro mayaque : un texte entre oral et écrit qui tisse un réseau, une toile ; tous ces liens entre les contributions et la thématique choisie, des analogies aussi qui font se répondre textes et images. « MaYaK », aussi pour les sonorités du mot, à la fois douces et occlusives (le K qui claque). Pour le graphisme aussi : le « ï » – graphie habituelle du mot russe en caractères romains – a été remplacé par un Y, une sorte d’arbre ; le K, comme des jambes de cancan ? ; le M pourrait figurer des montagnes ; les petits « a », des habitations ; tout un programme, tout un paysage…
Il y a le ton, aussi, ce « mécontentement joyeux » dont parle Jiddu Krishnamurti : ne pas se contenter du donné, être des adolescents éternels (adolescent comme le soleil qui se lève, comme les « aristocrates du soleil » célébrés par DH Lawrence), donc chercher mieux, mais dans la joie que donne spontanément le contact avec la nature ; ne pas jouer les casse-pieds de service qui ont des avis et bien sûr raison. Non, suivre son chemin tranquillement en cultivant une sorte d’oisiveté créatrice un peu.
De l’humour ; Jacques Faton donnait le ton avec ses planches de dessins à la plume ; donnait ? non pas qu’il ait cassé sa pipe, il a juste perdu sa plume, laquelle lui conférait magiquement cet humour d’Apache (ou de Sioux). On n’en fait plus de ces plumes, mais Jacques reste là, toujours en dialogue et je crois fondamentalement à cet humour, à ce comique de situation généralisé, distance bienvenue, mise en perspective, regard particulier qui compose avec le moment. Les contributions à MaYaK viennent des arts, des sciences, des sciences humaines, des artisans, des travailleurs sociaux et de la terre, mais personne ne joue le jeu de sa spécialité. Dans MaYaK nous sommes plus dans la question émerveillée, (sans naïveté espérons-le).
Je me dis parfois : au fond MaYaK ne ressemble vraiment à rien ! Non pas que je trouve que l’argument n’est pas « clair » mais parce que MaYaK m’étonne toujours quand j’en suis à la composition, m’étonne, me transporte plus loin, me fait dériver (pour mon bonheur, je dois dire). MaYaK comme le vivant ne ressemble à rien de connu ?
Ainsi en va-t-il du 9, consacré aux villages : « Mort, résurrection & insurrection des villages ? », avec ce ? auquel nous tenons tant. Le sommaire est arrêté, la mise en page en cours et chaque contribution m’apparaît comme une sorte de pays, comme nous le sommes chacun d’ailleurs : le monde Cocset, le monde Cambier, le monde Vandewattyne, le monde Grabczan, le monde Frison, le monde Marlier, le monde Lutgen, le monde Usova, le monde Boly, le monde Luang, le monde Dimitriadis, le monde Mahey, le monde De Lluvia, le monde Ayanoglou ; et ces mondes s’explorent patiemment, dans les échanges qui nous permettent de les parcourir et sentir. Avec chaque auteur, des rencontres, des entretiens qui vont vers un accord et la suite musicale mayaque s’élabore ainsi.
Confiance, amitié, recherche. Et plutôt qu’amitié, j’ai envie de parler d’amour dans ce sens krishnamurtien : à chaque pas, l’amour plutôt que la peur…
Je reviendrai sur cette composition joyeuse !
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