La toute récente publication de Phare Papier (sortie pour le salon de Fourmies) est une brochure d’hommage (36 pages, 8 euros, basée sur des documents d’archive) à l’écrivain Louis Delattre (1870-1938). Médecin, spécialiste de l’alimentation, pionnier de la radio, directeur de l’académie belge, conférencier pour la Croix-Rouge, cet homme infatigable écrit en pleine maturité quatre traités d’intimisme (comme il les appelle) où il condense en de courts textes aux sujets très variés toute son expérience de médecin observateur des corps-âmes (je veux dire des hommes) et d’hédoniste (une indication : son père était représentant en vins et spiritueux…), nietzschéen, chinois (il lit Marcel Granet l’année de la sortie de son histoire de la pensée chinoise et retrouve dans cette vision du corps humain des intuitions qu’il avait eues comme praticien).
Au cours de mes recherches sur Delattre, je n’ai pu que rencontrer l’imprimeur fontainois (Fontaine L’Évêque, Hainaut belge), Yves Robert, qui édita en 1970 une biographie (et bibliographie), extrêmement précise, de son concitoyen.
Logique amicale mayaque : il se peut bien que nous rééditions ensemble ces quatre traités d’intimisme… « Because, because we must », chante quelque part Morrissey…
Un fragment d’intimisme, non dépourvu d’un humour tout surréaliste :
« J’ai retrouvé marié cet ami d’enfance. Sa femme et ses enfants, d’un air vexé, formaient autour de lui, des excroissances qui me tenaient à distance et m’empêchaient de le toucher à pleines mains.
Il paraissait, même à table et la serviette au cou, un voyageur debout sur le quai de la gare, autour de qui veillent en rond des bagages réclamant jalousement toute la force de ses bras et l’attention de son front. Et belle-maman est cette grande malle noire.
C’est qu’en vérité, épouse et enfants entendent manger eux-mêmes le père de famille. »
Hugues Robaye