La modernité africaine : Aminata Traoré

19112011

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Au rez-de-chaussée d’un bâtiment scolaire – parallélépipède néogothique crénelé -, une salle de théâtre qui se voudrait un peu à l’italienne, avec comme seules rondeurs, des balcons vides, aux dorures écaillées.  Salle de spectacle, chapelle ou  « salle de gymnastique » baroque où sont alignées des chaises en plastique ? Je m’interroge…  Je suis assis au premier rang, à côté de Faezeh Afchary,  l’architecte et céramiste iranienne. Nous allons assister à  la conférence inaugurale de la Faculté d’architecture de Saint-Luc/ Tournai. 

Entre une femme majestueuse, en boubou de coton et foulards soigneusement ajustés. Elle est arrivée la veille de Bamako (Mali).  Sans papier, pendant une heure, Aminata Traoré nous entretient.   De l’ « Afrique humiliée » (selon le titre d’un de ses livres où elle met en garde tant les populations du Sud que celles du Nord contre le modèle de développement sino-américano-européen) : réquisitoire d’une voix seule ; puissante et impressionnante solitude de l’orateur dans cette nef résonante…

Puis, plaidoirie pour l’auto-détermination des peuples. Elle raconte le  travail qu’elle a initié dans un quartier pauvre de Bamako, Missira, où elle s’est installée : évacuation des déchets, comblement des caniveaux, pavage ; des arbres, de l’ombre, des bancs – et les cours des maisons sont atteintes aussi de cette fièvre d’embellissement –  nouveaux enduits sur les façades…  Plus ambitieux : la reconstruction d’un marché qui deviendra un marché bio de produits maliens remis à l’honneur… Des dias sur grand écran : Missira, le quartier avant, après… Les hommes qui placent les dalles, les femmes qui les jointoient. Elle ne cache pas les difficultés qu’elle a rencontrées dans ce chantier récupéré par les autorités en place. L’origine : améliorer son propre trottoir. Tache d’huile : les voisins trouvent cela bien. On veut faire la même chose. Bonnes volontés, entraide,  don, l’économie informelle démarre. Rues et cours se métamorphosent à peu de frais. Les gens s’asseyent sur les bancs jaunes et palabrent à l’ombre. Puis vient, bien utile, de l’argent du Luxembourg.  Et les difficultés commencent…   

Maintenant, sur l’écran, des images de Didiéni, petite ville où la mer rejette les immigrés maliens qui n’ont pas réussi le passage. Rejetés par leur famille qui s’est saignée pour les envoyer au paradis des Blancs et qui les voit revenir sans rien, désœuvrés. Psycho-sociologue, Aminata médite sur les conséquences de ces flux migratoires illusoires. Pourquoi partir ? Pourquoi ne pas résoudre les difficultés ici ? Sommes-nous arriérés à ce point ? Incapables de nous autodéterminer de façon durable ? Une de ses réponses, c’est un travail sur le lieu de vie. Et de commencer, avec ces immigrés refoulés et un ami architecte,  la construction en terre et en voûte nubienne (toits en blocs d’adobe) de logements où ils vont trouver un gîte aéré, sans tôle ni blocs étouffants, une raison de rester ; une habitation que les autres, finalement, leur envieront… Construire et se reconstruire  non ? N’est-ce pas le titre de la conférence ?

Aminata Traoré retrace aussi son parcours de « chef de tribu », de responsable de famille, avec son restaurant, son hôtellerie, ce souci des produits locaux qui disparaissent des marchés, son rejet du « bling bling africain » (selon ses mots) et du recyclage africain des produits périmés occidentaux, son intérêt premier pour les constructions en terre crue (et son combat difficile pour les faire (re)connaître et accepter par une population pauvre qui veut du « dur »), pour les enduits naturels dont les villages savent encore la composition. Elle va plus loin (non, elle est conséquente) : elle affirme et veut promouvoir une modernité proprement africaine.  Modernité(s) africaine(s). Non pas copier le Nord mais croire aux et développer les ressources créatives du Sud. Dans la construction, dans la décoration, les textiles, l’aménagement des lieux de vie, l’art, l’artisanat, les cultures, dans l’art de vivre, en fait, d’échanger avec l’autre. Prolonger des traditions spécifiques revalorisées… 

Il est avisé aujourd’hui de douter de tout et, en particulier, des bonnes volontés, mais quand Faezeh m’a glissé à l’oreille : « Enfin un discours… Eh bien, après avoir entendu cela, j’ai plus de courage. », je ressentais la même chose… 

MaYaK : repérer des forces vives dans nos sociétés, pour vivre résolument dans le Tout, le Beau et le Bon, comme disait Goethe. Pour s’autodéterminer, pour moins dépendre d’un système qui joue de nos désirs. En janvier/février, voyage d’étude au Burkina dans le même but, pour repérer des initiatives qui vont dans ce sens et qui entrent en dialogue avec des villages qui ont conservé, plus que nous, leurs traditions. La source et sa transformation, l’équilibre local, Permanent culture, permanent agriculture au Mali, au Burkina … Et partout… Modernité burkinabè… Il y a à échanger… Et à changer les perspectives…  C’était donc important de rencontrer Aminata Traoré. Comme de lire Fatema Mernissi ou Serge Latouche ou Jean Ziegler ou Pierre Gevaert ou Pierre Rabhi ou Joseph Ki-Zerbo ou Bernard Lédéa Ouédraogo… 

Hugues Robaye 

Aminata Traoré, Le viol de l’imaginaire et L’Afrique humiliée, Paris, Hachette (Pluriel). Un extrait de la conférence: les questions (à télécharger) : http://dl.dropbox.com/u/6642953/Aminata%20Traor%C3%A9%2017%20novembre%202011%202.MP3




Terre cuite à Tournai chez Faezeh Afchary

16102011

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« Tu vois, Hugues, ce qui est bien, c’est que les gens se réunissent là le soir, à l’Académie, autour de cette activité qui les passionne. Ils viennent de partout (ou presque !). Pas de différences de classes ou de nationalité ; on se retrouve à travailler la terre. On discute de notre travail. Chacun est inspiré différemment, poursuit son chemin, se concentre, travaille, se trouve…»

C’est mon amie  Faezeh Afchary, l’architecte céramiste d’origine iranienne (qui a collaboré au MaYaK4) qui m’expliquait cela l’autre soir au vernissage de l’exposition qu’elle accueillait dans sa galerie/atelier « Autour du feu », rue Morel, 17, à Tournai (Hainaut belge). Une belle galerie lumineuse pour montrer les travaux du collectif « Interrelude » (voyez « terre » au milieu du mot valise et le « jeu partagé », aux extrémités…), artistes/artisans discrets qui sont pour la plupart des (ou d’anciens) élèves d’Émile Desmedt

Fazy réunit chaque année les travaux de ce groupe. En 2011 (cette année), un autre ami, l’éditeur Pierre Dailly, a eu l’idée d’interroger les artistes sur le pourquoi de leur travail, sur leur démarche. Cela a donné une vidéo, projetée en boucle à deux pas du four de cuisson. Enfin, Marie-Clotilde Roose, philosophe et poète, exercera son art (ses arts) sur chacune de ces œuvres céramiques, ce vendredi 21 octobre à 19h. Venez donc !  Assembler ces créations, les scénographier dans ce bel espace accueillant ; interroger les céramistes sur leur démarche, trouver des paroles pour en parler, un processus complet…  Hugues Robaye 

PS : Fazy est la meilleure représentante mayaque de Tournai (si tu me permets, Fazy !) et projette une expo sur les jeunes graphistes iraniens, assorties de work shops… MaYaK s’y associe…

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MaYaK 4, images, textes et Jacques Faton

19042009

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Le MaYaK 4 est en bonne voie. Nous en sommes à l’opération délicate et passionnante de la mise en page. À circuler dans ce numéro (le deuxième volet de « Traditions/Modernités »), à passer ainsi d’un texte à l’autre, à voir et revoir les images qui nous sont venues ; celles de la ville en terre crue de Bam, détruite par un tremblement de terre (avec l’architecte céramiste iranienne Faezeh Afchary et l’orientaliste Laurent Mignon), ou celles du jardin chinois revisité, ou de moulins d’Europe (avec l’historien de l’art André Bouyer), ou… à faire tourner toutes ces images en soi,  une sorte de cohérence apparaît, de moins en moins brumeuse. Un numéro de 160 pages !

Un exemple illustré : le cinéaste et dessinateur Jacques Faton se rend près de Düsseldorf ce lundi de Pâques (il pleut et il fait froid), à la Fondation Langen dont l’architecture a été pensée par Tadeo Ando. Il veut visiter l’expo Dubuffet. Mais les portes sont closes. Un lundi me direz-vous, et de Pâques… Évidemment, sortie de nulle part, une petite fille se promène par là et patauge dans l’eau, un appareil photo à la main. Ces circonstances (un équilibre circonstanciel ; on attendait qqch, qqch d’autre arrive ? Un équilibre circonstanciel hasardeux pourrions-nous ajouter (comme la vie ?)) deviennent de plus en plus mayaques. En rentrant, Jacques commence un travail à la plume (qui est déjà au siège de l’association). Il rythmera le MaYaK 4… 

Hugues Robaye

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