Le salut au soleil

26102014

Mahzad Rostami

Cette photo de Mahzad Rostami, jeune artiste iranienne,m’a semblé « iconic » pour prendre un mot anglais qui m’est resté en tête, je ne sais trop pourquoi, continue à résonner et à m’intriguer, à vouloir me dire quelque chose (employé pour présenter le chanteur anglais Morrissey au début d’un de ses concerts). Je ne sais pas ce que veut dire au juste ce mot, mais je lui associe un sens : l’image par excellence de quelque chose…

Ce selfie de Mahzad (publié sur Facebook) a été fait, je le croirais, pour heurter ma mémoire. Dimanche, je revoyais les premières images du film Le merle chanteur d’Otar Iosseliani, des séquences qui nous rappellent notre immersion dans le temps gratuit, les dons du présent : un voile agité par le vent, les ramures balancées, les ombres des nuages qui avancent… Et puis l’accueil du matin, de la lumière. Toutes ces choses simples qui sauvent et donnent espoir… Qui nous rappellent l’indifférence de la nature vis-à-vis de nos menées volontaristes dont elle souffre à en mourir… Nous rappellent, à vrai dire, l’ « amour », la « compassion » à la Jiddu Krishnamurti… Qui font que le premier critère d’action sur le monde devrait être ce respect pour le cosmos…

Mahzad a donné une affiche pour Le lointain de près : Un Iran de jeunes graphismes. Tisser des liens entre sociétés civiles, l’amitié des peuples, un souci plus que jamais d’actualité…

Hugues Robaye

Mahzad 002




Andrei Zviaguintsev, « Le bannissement »

2052012

Andrei Zviaguintsev, Konstantin Lavronenko et dans le miroir, Maria Bonnevie

Mon cher Xavier,

Merci de m’avoir rappelé de regarder les films d’Andrei Zviaguintsev. Le dernier, ce sera pour plus tard, tu sais je suis immobilisé. Mais j’ai revu Le retour (2003) et vu Le bannissement (2007). Et c’est ce dernier qui m’a empêché de bien dormir cette nuit… Je ne l’ai vu qu’une fois donc pas vraiment vu. J’ai vu quelque chose disons, sur ces 150 minutes… Mais j’avais envie de te répondre. Je me souviens de ce que tu disais des décors des films d’aujourd’hui, combien l’architectonique des pays riches en arrière-plan d’un film t’agaçait. Je comprends bien cela, c’est comme si rien de vrai ou de spirituel ou de méditatif ( ?) ne pouvait se vivre dans ce cadre. J’exagère, évidemment. Mais comme presque tout est choix dans un film, dans les images qu’un réalisateur choisit de montrer, d’assembler… Les mondes des premiers films de Iosseliani en Géorgie, c’est bel et bien fini quand il tourne en France… Évidemment ici, chez Zvia avec cette Russie tarkovskienne, entre Stalker et Le miroir ; la ville industrielle, puis ce genre de vieille demeure qu’il aimait ; ces paysages de petite steppe, vallonnés, ces plans d’ensemble hyper bien cadrés, on est ailleurs ! Ces longs plans séquences où intervient dans le champ un personnage ou une chose comme cette voiture au début, qui me rappelait celle de Nostalghia. Cette musique électronique un peu d’un autre âge (+ Arvo Pärt, aussi). Ces enfants aux visages si particuliers qui sont toujours là pour contrebalancer le monde des adultes. L’eau qui coule et ruisselle, la pluie si chère à notre ange tutélaire, Andrei. L’église perdue dans la steppe, les vieilles bagnoles impossibles… Un autre « décor », déjà… La photographie superbe, la matière des images ; cette maison décrépite, ses murs, ses meubles, ses planchers.

Du retour au bannissement, on retrouve cet horizon thématique de la paternité. Dans le bannissement, c’est beaucoup plus fort et significatif, pour moi. Paternité et amour. Langage et compréhension mutuelle des êtres. La mort brutale qui vient d’une parole pas entendue, pas comprise (« cet enfant n’est pas de toi » qui cache en fait autre chose : « nos enfants ne sont pas de nous »)… Et en réponse ou en élucidation, la lecture par les enfants, réunis avant d’aller dormir, d’un passage de la Bible sur l’amour. Comme une sorte d’horizon de vie inatteignable mais qui aspire.

Bien sûr, aussi, la construction du film, en pyramide, où la fin révèle tout de cette tragédie du destin (comme dirait peut-être le frère du personnage principal), lentement, en retournant le regard du spectateur jusqu’à ce chant des paysannes dans le champ des moissons et de la caméra, qui en travelling fait passer du personnage méditatif à ces femmes de toujours qui portent sa méditation ?

Dans le désordre et sans entrer dans le détail.

« Quelle est l’odeur de cette maison ? », demande plusieurs fois l’enfant…

Hugues







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