Temps et danse

4092012

Temps et danse dans Anne Teresa De Keersmaeker bassedanse_167x137-150x123

Après En atendant (sic), dansé au crépuscule, et Cesena, dansé au lever du soleil par la compagnie d’Anne Teresa De Keersmaeker à l’abbaye de Villers-la-Ville, après la semaine de performances scéniques, intitulée Hypothèses sur la disparition du temps,  aux Brigittines à Bruxelles,  je reste sous le charme et vois la danse actuelle comme le premier  refuge contemporain de la créativité et de l’ouverture vers ce qui nous dépasse.

Peut-être,  justement, parce que cet art du mouvement est éminemment un art du temps (Aristote ne définissait-il pas le temps comme le nombre du mouvement?), tandis que le temps de la société moderne, ce présent affairé, veut, plus que jamais dans l’histoire, tisser la trame de nos actes*. Avec la création dansée, nous pouvons échapper, pour reprendre des mots de Patrick Bonté, à la fibrillation de notre vie aujourd’hui, par elle nous « entrons dans une concentration où l’attention et la pensée se condensent. Tout devient vertical, nous touchons au ciel ou aux antipodes, dans une contrée de notre sensibilité dont nous n’aurions jamais cru qu’elle fît partie de façon si intime de notre imagination »

Après sa représentation sur scène, une danseuse chorégraphe expliquait -et c’était  plaisir de voir avec quelle pertinence et quelle profondeur tous ces chorégraphes usaient du langage- qu’il s’agissait pour elle de repartir, en complicité avec un musicien et un artiste plasticien, d’une impulsion primitive.

Il me semble que pour qui cherche aussi à retrouver cette impulsion, la danse contemporaine peut être une aide, et un émerveillement.

Xavier Vanandruel

* voir un précédent billet sur L’accélération Une critique sociale du temps d’Hartmut Rosa

www.brigittines.be




Du djembé avec Ousmane Dembele

8082011

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Heureux les puissants. 

C’est le titre d’un essai de DH Lawrence. Pour lui, les « puissants » sont des hommes qui ont trouvé leur force intérieure et la font rayonner. Puissants, certes ; mais la plupart du temps, pauvres et généreux ! Car ce qui leur importe, à ces hommes puissants, c’est de transmettre un rayonnement, qui vient de cette force que les voies inconnues de la génétique ont mise en eux. 

On trouve des puissants partout. Chez les plafonneurs à l’argile, chez les élagueurs en taille douce, chez les céramistes…  Chez les musiciens aussi, bien évidemment… 

Et hier, à la fête mayaque, Ousmane Dembele le puissant, avait sorti sa kora de la camionnette Ford et jouait et chantait dans le « jardin » de la potterée (siège mayaque à Flobecq). Hugues Adam l’accompagnait à la rythmique (à sa droite sur la photo) et Alexandre Wajnberg (au premier plan) s’y mit aussi, d’un couteau et d’une bouteille d’eau (voir photo), tandis que Joannah Pinxteren, l’anthropologue de la danse, dansait sous le charme (face à lui)… 

Ousmane jouait et chantait un hymne à la femme d’où toute vie sort. Il sortait de son instrument des motifs musicaux repris, creusés, avec de légères variations discrètement introduites peu à peu, malicieuses et inspirées, improvisées et qui orientait ailleurs la pièce musicale ;  puis un chant naissait quand on ne s’y attendait pas ou plus. 

Il y avait là toute la générosité du puissant… Dans l’air du soir de la potterée. Ousmane « dans son élément » et ces ondes nourricières, car l’onde sonore, ici la musique, est un aliment pour le corps… et je me sentais nourri à écouter et à regarder Ousmane « jouer ». Jouer généreusement avec nous qui l’écoutions ravis. Qui l’écoutions sourire à son instrument. Lui le « puissant ». Oui, transportés (en ce qui me concerne) et reconfigurant ma vie présente et à venir, avec cet aliment nouveau, cette musique et ce chant qui vibraient mon tympan. 

Vous vous dites : il exagère le mec… Je ne crois pas … Mais si vous doutez, n’allez pas au « stage » de djembé d’Ousmane Dembele (qui est d’abord percussionniste comme il l’a montré au concert mayaque de novembre dernier), du lundi 15 août au 19 août à Ogy, entre Bruxelles et Tournai, dans la belle Région des Collines. 

Quoi, un banal stage de djembé, comme il y en a tellement ? Jean-Marie Salesse qui organise cette formation (à droite de Hugues Adam sur la photo) me disait : « L’étonnant avec Ousmane, c’est qu’il est très pédagogique : il est attentif à chacun et ne privilégie pas les « avancés », il écoute chacun, suggère à chacun… Cela m’a touché : j’ai aussi suivi ce « stage »… Et puis après, Ousmane joue avec nous et c’est magique » 

En fait, avec Ousmane, au stage, c’est aussi participer d’autre chose. Il prépare la création d’une école de musique au Burkina Faso, son pays natal. Son idée, c’est d’enseigner le solfège aux Burkinabè pour conserver, par écrit, la tradition musicale de ce pays aux nombreuses ethnies et… pour inventer de nouveaux accords à venir… Ce qu’il récolte par ces stages sert à créer ce beau projet… Les puissants pauvres et généreux… 

Et je pense à L’Afrique au secours de l’Occident (nous en avons bien besoin, je trouve)… 

Et je remercie Ousmane de sa présence si juste à la fête mayaque. 

Ousmane Dembele, c’est aussi « Foofango », le groupe belgo-burkinabè avec Pierre Vaiana au sax, l’élève de notre ami mayaque Steve Houben… Une référence, quoi… 

Bref, allez à son stage et quelque chose se passera… 

Hugues Robaye 

 

Stage du 15 au 19 août, de 14h à 17h, à Ogy, rue Pont-Madeleine 52, 50 euros pour les 5 jours, renseignements au 0474/468449, portable de Jean-Marie Salesse. 




« Méandres », Charlotte Grégoire, Lisa Da Boit

26042010

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C’était un jeudi soir. Je remontais la rue du Fort (Bruxelles) pour assister au « Pianofabriek », à la projection d’un moyen métrage de 35 min, réalisé en 2010. Méandres de Charlotte Grégoire. Un film produit par « AJC ! », (atelier jeunes cinéastes), une maison de production qui permet à de jeunes et moins jeunes cinéastes débutants de réaliser leur film no budget mais avec toute l’aide technique et humaine nécessaire… La « magie du cinéma », sans engager les sommes d’argent astronomiques du cinéma courant… 

J’étais assis dans le noir et je sentais dans mes veines les paroles du Grand Martin commencer à bouillonner : « Pourquoi y a-t-il quelque chose et non pas plutôt rien ? ». Pourquoi cette succession d’images que je commençais à éprouver (le film) et non pas une autre ; pourquoi ce choix de plan, cette association de plans… Quels effets ces associations-là, ce montage-là, ce choix précis qui excluait les autres possibles, quels effets tout cela faisait-il sur moi ? Que ressentais-je ? J’essayais de comprendre… De sentir, de me formuler ce que je sentais au plus près de ce que je voyais…  (Une vraie maladie…) 

Méandres : filmer pendant plusieurs semaines une danseuse, Lisa Da Boit (« Giolisu ») qui répète des mouvements ; faire sentir au spectateur ce travail d’essai qui mène à une chorégraphie que le film montre, dans les cinq dernières minutes.  Première partie. Huit séances, six temps successifs où l’on voit la danseuse essayer des mouvements. Le spectateur sent la progression (la voit aux coupures et aux vêtements qui changent, à l’arrivée de la danseuse sur les lieux). Un lieu de répétition : une salle avec un grand mur, une porte au milieu, des vitres, deux châssis industriels découpés en carreaux  de chaque côté de la porte : tout cela filmé en frontal (on voit parfois, reflétée par la vitre, la cinéaste, en face de la danseuse). Le spectateur se familiarise peu à peu avec ces mouvements, une matière à interpréter, qui se précise de répétition en répétition. On voit un corps qui semble tenter de prendre place, progressivement, dans l’espace. D’abord des gestes rapides autour du visage, qui écartent quelque chose (comme quand un insecte nous gêne). Puis avec une craie, le corps trace son contour sur le mur, dessine aussi des repères sur le sol. Autre type de mouvement : le corps rampe dans diverses postures, contre le mur, sur le sol ; explore la forme particulière d’une chaise de bureau placée à un certain moment près de la porte, explore et tente d’y adhérer.  Sur une musique moderne un peu industrielle, le corps développe toute une chorégraphie en mouvements tournants, rapides et glissés, à terre. Un corps qui, à d’autres moments, se dépouille de ses vêtements, comme une chrysalide… Des mouvements qui parfois se combinent. 

Reconnaissance, affirmation, éclosion du corps ?; fin de chorégraphie : la danseuse expulse de sa bouche, lentement, une fleur. Nous voyons ces mouvements évoluer au gré des six temps. On voit que la danseuse arrive, porte d’autres vêtements… Le film est court et pourtant, en peu de minutes, montre le travail du temps sur une action humaine très porteuse de sens énigmatique, la chorégraphie, action sur laquelle il se concentre et le film acquiert ainsi une densité dramatique. 

Qui culmine dans la deuxième partie, les cinq dernières minutes où la danseuse offre son travail à un public très particulier. Des performances dans deux lieux de passage impersonnels ; des stations du métro bruxellois. Les gens passent indifférents ou s’arrêtent. D’autres photographient… Et cette solitude du corps dansant, qui dans cette chorégraphie montre un corps qui se cherche, se dépasse de façon émouvante à la fin du film. La danseuse est filmée s’approchant du public improvisé et donnant la fleur à un enfant…  Filmer la recherche et filmer l’accueil par un public de hasard… 

Hugues Robaye

PS: le « Grand Martin »: Heidegger… 

Vidéo/35′/2010  Image et son: Charlotte Grégoire; Montage: Lenka Fillnerová;  Montage son et mixage: Christian Coppin.  Avec Lisa Da Boit (Giolisu)  Production: AJC! (avec le soutien de Graphoui). Film réalisé dans le cadre du SIC 2009 www.ajcnet.be 




« Primero », Lisi Estaràs, les Ballets C de la B aux Tanneurs

19032010

Singer l’humain, dans une extrême souffrance. Et faire apparaître cela dans une chorégraphie. Oui, je me suis dit (sans vraiment savoir ce que c’est…), voici l’hystérie (clinique). Peut-on en faire une danse ? La danse de l’hystérie avec, malgré sa violence, ses crises, sa solidarité de groupe, sa vulnérabilité extrême… Des symptômes qui deviennent danse ; la compulsion, le geste répété, qui se chorégraphie. L’imitation, où l’autre qui fait peur est copié, dupliqué dans ses gestes, l’imitation qui se fait danse de groupe.

Je voyais ces motifs et je croyais les reconnaître. Comme par (autre) exemple, l’homme à côté de son corps qui active à distance des objets, ou ce groupe d’homme et de femmes qui assistent un individu en répétant ses gestes, en les faisant avec lui. Très chorégraphique, cela… Une scène où un des danseurs, corpulent, fait des gestes après le ballet d’un danseur plus léger, et les autres danseurs progressivement le suivent et l’assistent dans son effort. Aussi dans sa respiration haletante. Une chorégraphie de la respiration, du souffle qu’on tente de reprendre, de rattraper… Des tableaux chorégraphiques très riches qui s’enchaînaient… Bien sûr dans la danse, le rapport au corps, la pesanteur de la chair qui parfois s’évapore ; ce qui est aussi un motif hystérique…

Je retrouvais cela, je bâtissais, tableau chorégraphique après tableau, une compréhension que je sentais déjà disparaître dans ma mémoire défaillante à mesure que les saynètes s’enchaînaient.  J’aurais dû revoir et revoir ce spectacle qui m’émouvait tant, jusqu’aux larmes à vrai dire. Il faudrait revoir les chorégraphies fortes qui se livrent sans possibilité d’arrêt image… Je me demandais si la folie, le corps fou, avait déjà prêté ses formes dramatiques à la danse ? Oui, sans aucun doute… 

Ici c’était au Théâtre des Tanneurs. Une grande scène, des meubles du XIXe, en désordre et cinq danseurs, deux belles femmes et trois beaux hommes – un petit costaud, un moyen mince, un troisième corpulent – qui semblaient figurer une maison de fous à l’heure de Freud, ou juste avant. Sur scène, aussi, un joueur de clarinette virtuose et des airs, parfois yiddish ? Une folie située, dans une société qui la produisait et la protégeait ou plutôt l’enfermait. Mais la prison semblait ici dorée, avec ces meubles bourgeois (qui, à la fin, seraient empilés en une tour menaçante).  La folie qui mime l’humain, le cherche mais le transforme en grimace, par impossibilité de le vivre.  Cela passait, sentais-je, dans le mouvement de ces danseurs accompagnés d’une bande son et du clarinettiste… Spectacle violent et tendre, très émouvant… Remarquable performance de danseurs qui faisaient sentir un rapport au corps tronqué où la pesanteur par exemple disparaissait par fou miracle… Le rapport au corps de l’hystérique ?  Ce qui m’a frappé c’est qu’en voyant ce décor fermé mais profond en espace tout de même, ce groupe de danseurs, je me sois dit très vite : c’est l’hystérie. Or, à vrai dire, je ne sais pas de quoi je parle ( !), je n’avais qu’une vague intuition mais ce mot et la représentation de son contenu que j’ai en moi s’imposait…  

De retour à la maison, je vais voir sur le site des Tanneurs. Et je lis ceci :  « Après l’ambiance argentine de Patchagonia, Lisi Estaràs des incontournables ballets C de la B revient avec primero, une chorégraphie sur l’enfance et l’horizon lointain de ses souvenirs. Elle nous fait revivre nos « premières fois», ces moments magiques de la vie où tout n’est que pureté. Accompagnés de musique, les mouvements des danseurs prennent la forme de cet état d’inconscience si typique à ce monde enfantin d’agitation et de découverte. Depuis le salon de notre enfance, les souvenirs fugaces ou tenaces, imaginaires ou vécus ne deviennent-ils pas tous fantasmes ? »  Toute cette violence ou force dans les mouvements (comme les chutes face contre terre), je la rapportais à une forme de folie, douce par moment, mais dans l’intention de la chorégraphe, il y avait semble-t-il l’enfance, les souvenirs de l’enfance. « Fantasmes » certes, « inconscience », certes…  Il y avait une scène, « vendredi », où les danseurs, parlant, disaient ce qu’on fait le vendredi, jour de fête en quelque sorte, dans les familles honorables. Ce tableau finissait par dégénérer en une danse frénétique où l’on criait notamment les coups bas financiers que l’on faisait aux autres le vendredi… Il y avait des danses apaisées sur de vieilles chansons populaires en langue allemande, où là perçait une nostalgie réconfortante. Et j’interprétais tout cela comme le jeu de la folie qui naît d’un milieu social particulier, dont certains hommes se détachent, mais, dans la folie, le retrouvent et le rejouent dans ce qu’il a de rassurant, dans ce qu’il a d’inquiétant, de violant l’humain, de profondément traumatique. 

Regarder la chorégraphie, développer une compréhension qui colle aux tableaux que l’on voit puis se rendre compte que ce n’est pas dans les intentions de la mise en scène. Zut. Enfance et hystérie, les rapports ? Il y en a certainement…  Mon interprétation ne recoupait pas ou peut-être la présentation de ce spectacle impressionnant et très émouvant… 

Je repensais alors à mon ami et maître en hédonisme LIN Yutang qui décrit si bien, dans un des chapitres de L’importance de vivre la formation (solitaire, corporelle) du goût en présence de formes d’art et l’indépendance naïve de celui qui ose le jugement (de goût, de snentir et de perception) hors des commentaires entendus. 

Merci Yutang de me conforter dans ce plaisir nourrissant du regard…

Hugues Robaye 

Création mondiale de Primero (malheureusement, dernière date aujourd’hui 19 mars aux Tanneurs, puis tournée, je suppose). Dansé et créé par : Benny Claessens, Bérengère Bodin, Nicolas Vladyslav, Samuel Lefeuvre, Vania Rovisco. Musique : Yom – clarinette. Chorégraphie : Lisi Estaràs. Dramaturgie : Bart Van den Eynde. Scénographie : Wim Van de Cappelle. Eclairage : Kurt Lefevre. Son : Sam Serruys. Costumes : Dorine Demuynck. Direction production & tournée : Mimi van de Put. Production : les ballets C de la B 

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Lisi Estaràs et le visuel du spectacle




Convivial: un labo de société

17082009

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Vendredi  14 août : Joannah Pinxteren, anthropologue de la danse (qui a collaboré au MaYaK1) m’invite à une visite de « Convivial » (où elle travaille). 

Un endroit improbable la André Dhôtel que je le relis pour l’instant) : des entrepôts et bureaux entre des voies ferrées et leurs vagues terrains (rue du charroi, d’ailleurs…).  Les trains passent lentement, devant, derrière ; nous ne sommes pas loin de la gare du Midi (Bruxelles). Des gens de partout arrivent là. Des réfugiés qui viennent de débarquer dans un pays nouveau. Les trains passent. Sur le talus du chemin de fer poussent des fleurs étranges. Au pied du talus, les bacs potagers de « Convivial ». Des graminées exotiques croissent entre les haricots, les courgettes, les tomates et autres choux… Je suis de nulle part a l’air de dire ce site (ce pourrait être le titre d’un roman de AD…). Il y a les grandes verrières qui couvrent les hauts entrepôts où l’on nettoie et répare les meubles, apprend la menuiserie, trie des vêtements, des aliments. L’association « Convivial » accueille des demandeurs d’asile et de récents régularisés pour les aider à prendre leurs repères dans la société belge. 

Lieu étrange, on pourrait dire utopique ; une forme de communauté passagère où l’on réfléchit à comment s’intégrer dans une société d’adoption. Où l’on a le sens de l’accueil chaleureux. 

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Tapis, fauteuils profonds, café, thé, dessins aux murs, sourires, paroles de bienvenue… 

Une cellule d’accueil commence par évaluer la demande du visiteur et propose aide ou activités. Aide pour remplir les papiers, trouver un logement, cours d’alphabétisation, des ateliers sont aussi proposés et autres activités : ateliers menuiserie, couture, informatique, activités créatives et d’écriture, cours de jardinage, sorties culturelles. 

L’équipe qui encadre vient de partout Rwanda, Congo, Erythrée, Biélorussie, Afghanistan, Maroc, Belgique, etc. Les visiteurs parlent tellement de langues différentes et parfois ne connaissent que quelques mots de français… Et c’est singulier de rencontrer une jeune assistante sociale marocaine, Bouchra, ou ce monsieur afghan polyglotte, Nahzat, qui viennent en aide à des réfugiés qui souhaitent s’établir en Belgique… 

À Convivial, on récupère : nourriture, vêtements, meubles, jouets, tout ce qui peut être de première nécessité pour de nouveaux arrivants. 

Le dialogue et l’échange, à Convivial sont une priorité. Depuis ce bâtiment perdu entre les chemins de fer et dans une société très technologique où l’accueil et la communauté ne sont plus aussi évidents qu’avant, en particulier dans les villes, Convivial rayonne comme un laboratoire de société… Un espace où se rencontrent des mondes culturels très variés, dans une situation de précarité et de vulnérabilité ; un espace où quelque chose pourrait se reconstruire… 

De cette richesse potentielle, on est bien conscient à Convivial. Un exemple parmi d’autres :
la Rwandaise Concilie fait un travail sur le récit de vie avec les « mamies » rwandaises, où elle récolte leurs expériences passées d’agricultrices, leurs coutumes africaines – famille, habitation, nourriture… - des témoignages sur la séparation, l’immigration, le rapport à la vieillesse, ici et au Rwanda (les vieux en home, les anciens dans la communauté…). 

Un travail de prise de conscience, de réflexion sur les différences culturelles au moment où elles sont vécues dans l’exil. Naturellement, vient une recherche aussi sur les possibilités de logements alternatifs, transgénérationnels que la société belge commence aussi à mettre en place. 

Bien sûr, il s’agit là d’un travail très délicat : il y a les attentes et les images des nouveaux arrivants, la réalité du pays, les idées de ceux qui y vivent depuis peu ou longtemps… Il s’agit d’ajuster les points de vue, ce qui est très difficile, mais la tentative est là.

imgp187919x14.jpg  Un travail de collage

Je pense aussi aux collages que Joannah propose aux mamies rwandaises et aux participants à ses ateliers textiles. Se représenter là-bas et ici… Réfléchir sur certains thèmes, comme le sens esthétique et éthique des coutumes vestimentaires : chaussures ou chapeau… L’activité de création artistique est liée à une recherche de sens, une recherche souple… Une sorte de médiation artistique. Joannah anime aussi d’autres séances où mouvement, danse, chant, mémoire du corps, sont associés pour travailler le premier contact avec les choses, les gens et la société.  

Dans les ateliers, le travail artisanal devient vite artistique. En novembre dernier, j’ai assisté à un vernissage autour des créations de certains réfugiés qui avaient adopté Convivial comme lieu de séjour diurne et qui participaient à divers ateliers.

imgp1904ret19x13.jpg  Se chausser à travers les temps

L’ « interculturel », comme on écrit dans les manuels, est ici vécu au jour le jour et réfléchi. Et on considère que les apports culturels vont dans les deux sens. La médiation est donc prise en charge par des non-Belges en dialogue avec des Belges. Ces derniers qui s’interrogent sur le vivre-ensemble trouvent à Convivial une tentative stimulante et des idées venues de partout.

 imgp1931dt14x19.jpg Expo en novembre 2008

La récup est aussi un aspect important : c’est que ce travail se fait dans les marges du consumérisme. Imaginer une pauvreté positive ? Par une économie de dons, cette petite communauté va vers une certaine autonomie…  Il y a aussi une charte, un règlement d’ordre intérieur. 

En quelque sorte, chez Convivial, on est comme aux premiers temps (un titre de Dhôtel…) : c’est comme si on recommençait une société ; on doit réfléchir à la société qui est déjà là, avec ses avantages et ses inconvénients, une société souvent déboussolée, penser des modalités d’ « intégration » ; inventer des solutions. 

Je me répète, ce lieu m’est apparu comme un laboratoire de socialisation.  Une microsociété multiculturelle ? 

Suite au prochain article (et prochains numéros de MaYaK, les 5/6 : « solitudes en société »). Car, comme écrit Dhôtel, « Il faut apprendre à vivre dans l’intervalle du savoir et de la vision et faire les pas précis qui l’emportent vers la vérité. La méditation doit resserrer avec une douce fermeté les limites de ce savoir et de cette vision. » (Le vrai mystère des champignons). Je retourne donc bientôt à Convivial et laisse le temps faire venir une compréhension plus ramifiée de ce qui s’y invente…

Hugues Robaye

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