Du djembé avec Ousmane Dembele

8082011

potterefte7aot2011004ret3.jpg

Heureux les puissants. 

C’est le titre d’un essai de DH Lawrence. Pour lui, les « puissants » sont des hommes qui ont trouvé leur force intérieure et la font rayonner. Puissants, certes ; mais la plupart du temps, pauvres et généreux ! Car ce qui leur importe, à ces hommes puissants, c’est de transmettre un rayonnement, qui vient de cette force que les voies inconnues de la génétique ont mise en eux. 

On trouve des puissants partout. Chez les plafonneurs à l’argile, chez les élagueurs en taille douce, chez les céramistes…  Chez les musiciens aussi, bien évidemment… 

Et hier, à la fête mayaque, Ousmane Dembele le puissant, avait sorti sa kora de la camionnette Ford et jouait et chantait dans le « jardin » de la potterée (siège mayaque à Flobecq). Hugues Adam l’accompagnait à la rythmique (à sa droite sur la photo) et Alexandre Wajnberg (au premier plan) s’y mit aussi, d’un couteau et d’une bouteille d’eau (voir photo), tandis que Joannah Pinxteren, l’anthropologue de la danse, dansait sous le charme (face à lui)… 

Ousmane jouait et chantait un hymne à la femme d’où toute vie sort. Il sortait de son instrument des motifs musicaux repris, creusés, avec de légères variations discrètement introduites peu à peu, malicieuses et inspirées, improvisées et qui orientait ailleurs la pièce musicale ;  puis un chant naissait quand on ne s’y attendait pas ou plus. 

Il y avait là toute la générosité du puissant… Dans l’air du soir de la potterée. Ousmane « dans son élément » et ces ondes nourricières, car l’onde sonore, ici la musique, est un aliment pour le corps… et je me sentais nourri à écouter et à regarder Ousmane « jouer ». Jouer généreusement avec nous qui l’écoutions ravis. Qui l’écoutions sourire à son instrument. Lui le « puissant ». Oui, transportés (en ce qui me concerne) et reconfigurant ma vie présente et à venir, avec cet aliment nouveau, cette musique et ce chant qui vibraient mon tympan. 

Vous vous dites : il exagère le mec… Je ne crois pas … Mais si vous doutez, n’allez pas au « stage » de djembé d’Ousmane Dembele (qui est d’abord percussionniste comme il l’a montré au concert mayaque de novembre dernier), du lundi 15 août au 19 août à Ogy, entre Bruxelles et Tournai, dans la belle Région des Collines. 

Quoi, un banal stage de djembé, comme il y en a tellement ? Jean-Marie Salesse qui organise cette formation (à droite de Hugues Adam sur la photo) me disait : « L’étonnant avec Ousmane, c’est qu’il est très pédagogique : il est attentif à chacun et ne privilégie pas les « avancés », il écoute chacun, suggère à chacun… Cela m’a touché : j’ai aussi suivi ce « stage »… Et puis après, Ousmane joue avec nous et c’est magique » 

En fait, avec Ousmane, au stage, c’est aussi participer d’autre chose. Il prépare la création d’une école de musique au Burkina Faso, son pays natal. Son idée, c’est d’enseigner le solfège aux Burkinabè pour conserver, par écrit, la tradition musicale de ce pays aux nombreuses ethnies et… pour inventer de nouveaux accords à venir… Ce qu’il récolte par ces stages sert à créer ce beau projet… Les puissants pauvres et généreux… 

Et je pense à L’Afrique au secours de l’Occident (nous en avons bien besoin, je trouve)… 

Et je remercie Ousmane de sa présence si juste à la fête mayaque. 

Ousmane Dembele, c’est aussi « Foofango », le groupe belgo-burkinabè avec Pierre Vaiana au sax, l’élève de notre ami mayaque Steve Houben… Une référence, quoi… 

Bref, allez à son stage et quelque chose se passera… 

Hugues Robaye 

 

Stage du 15 au 19 août, de 14h à 17h, à Ogy, rue Pont-Madeleine 52, 50 euros pour les 5 jours, renseignements au 0474/468449, portable de Jean-Marie Salesse. 




Convivial: un labo de société

17082009

imgp1914dt19x13.jpg 

Vendredi  14 août : Joannah Pinxteren, anthropologue de la danse (qui a collaboré au MaYaK1) m’invite à une visite de « Convivial » (où elle travaille). 

Un endroit improbable la André Dhôtel que je le relis pour l’instant) : des entrepôts et bureaux entre des voies ferrées et leurs vagues terrains (rue du charroi, d’ailleurs…).  Les trains passent lentement, devant, derrière ; nous ne sommes pas loin de la gare du Midi (Bruxelles). Des gens de partout arrivent là. Des réfugiés qui viennent de débarquer dans un pays nouveau. Les trains passent. Sur le talus du chemin de fer poussent des fleurs étranges. Au pied du talus, les bacs potagers de « Convivial ». Des graminées exotiques croissent entre les haricots, les courgettes, les tomates et autres choux… Je suis de nulle part a l’air de dire ce site (ce pourrait être le titre d’un roman de AD…). Il y a les grandes verrières qui couvrent les hauts entrepôts où l’on nettoie et répare les meubles, apprend la menuiserie, trie des vêtements, des aliments. L’association « Convivial » accueille des demandeurs d’asile et de récents régularisés pour les aider à prendre leurs repères dans la société belge. 

Lieu étrange, on pourrait dire utopique ; une forme de communauté passagère où l’on réfléchit à comment s’intégrer dans une société d’adoption. Où l’on a le sens de l’accueil chaleureux. 

imgp1921dt19x13.jpg  

Tapis, fauteuils profonds, café, thé, dessins aux murs, sourires, paroles de bienvenue… 

Une cellule d’accueil commence par évaluer la demande du visiteur et propose aide ou activités. Aide pour remplir les papiers, trouver un logement, cours d’alphabétisation, des ateliers sont aussi proposés et autres activités : ateliers menuiserie, couture, informatique, activités créatives et d’écriture, cours de jardinage, sorties culturelles. 

L’équipe qui encadre vient de partout Rwanda, Congo, Erythrée, Biélorussie, Afghanistan, Maroc, Belgique, etc. Les visiteurs parlent tellement de langues différentes et parfois ne connaissent que quelques mots de français… Et c’est singulier de rencontrer une jeune assistante sociale marocaine, Bouchra, ou ce monsieur afghan polyglotte, Nahzat, qui viennent en aide à des réfugiés qui souhaitent s’établir en Belgique… 

À Convivial, on récupère : nourriture, vêtements, meubles, jouets, tout ce qui peut être de première nécessité pour de nouveaux arrivants. 

Le dialogue et l’échange, à Convivial sont une priorité. Depuis ce bâtiment perdu entre les chemins de fer et dans une société très technologique où l’accueil et la communauté ne sont plus aussi évidents qu’avant, en particulier dans les villes, Convivial rayonne comme un laboratoire de société… Un espace où se rencontrent des mondes culturels très variés, dans une situation de précarité et de vulnérabilité ; un espace où quelque chose pourrait se reconstruire… 

De cette richesse potentielle, on est bien conscient à Convivial. Un exemple parmi d’autres :
la Rwandaise Concilie fait un travail sur le récit de vie avec les « mamies » rwandaises, où elle récolte leurs expériences passées d’agricultrices, leurs coutumes africaines – famille, habitation, nourriture… - des témoignages sur la séparation, l’immigration, le rapport à la vieillesse, ici et au Rwanda (les vieux en home, les anciens dans la communauté…). 

Un travail de prise de conscience, de réflexion sur les différences culturelles au moment où elles sont vécues dans l’exil. Naturellement, vient une recherche aussi sur les possibilités de logements alternatifs, transgénérationnels que la société belge commence aussi à mettre en place. 

Bien sûr, il s’agit là d’un travail très délicat : il y a les attentes et les images des nouveaux arrivants, la réalité du pays, les idées de ceux qui y vivent depuis peu ou longtemps… Il s’agit d’ajuster les points de vue, ce qui est très difficile, mais la tentative est là.

imgp187919x14.jpg  Un travail de collage

Je pense aussi aux collages que Joannah propose aux mamies rwandaises et aux participants à ses ateliers textiles. Se représenter là-bas et ici… Réfléchir sur certains thèmes, comme le sens esthétique et éthique des coutumes vestimentaires : chaussures ou chapeau… L’activité de création artistique est liée à une recherche de sens, une recherche souple… Une sorte de médiation artistique. Joannah anime aussi d’autres séances où mouvement, danse, chant, mémoire du corps, sont associés pour travailler le premier contact avec les choses, les gens et la société.  

Dans les ateliers, le travail artisanal devient vite artistique. En novembre dernier, j’ai assisté à un vernissage autour des créations de certains réfugiés qui avaient adopté Convivial comme lieu de séjour diurne et qui participaient à divers ateliers.

imgp1904ret19x13.jpg  Se chausser à travers les temps

L’ « interculturel », comme on écrit dans les manuels, est ici vécu au jour le jour et réfléchi. Et on considère que les apports culturels vont dans les deux sens. La médiation est donc prise en charge par des non-Belges en dialogue avec des Belges. Ces derniers qui s’interrogent sur le vivre-ensemble trouvent à Convivial une tentative stimulante et des idées venues de partout.

 imgp1931dt14x19.jpg Expo en novembre 2008

La récup est aussi un aspect important : c’est que ce travail se fait dans les marges du consumérisme. Imaginer une pauvreté positive ? Par une économie de dons, cette petite communauté va vers une certaine autonomie…  Il y a aussi une charte, un règlement d’ordre intérieur. 

En quelque sorte, chez Convivial, on est comme aux premiers temps (un titre de Dhôtel…) : c’est comme si on recommençait une société ; on doit réfléchir à la société qui est déjà là, avec ses avantages et ses inconvénients, une société souvent déboussolée, penser des modalités d’ « intégration » ; inventer des solutions. 

Je me répète, ce lieu m’est apparu comme un laboratoire de socialisation.  Une microsociété multiculturelle ? 

Suite au prochain article (et prochains numéros de MaYaK, les 5/6 : « solitudes en société »). Car, comme écrit Dhôtel, « Il faut apprendre à vivre dans l’intervalle du savoir et de la vision et faire les pas précis qui l’emportent vers la vérité. La méditation doit resserrer avec une douce fermeté les limites de ce savoir et de cette vision. » (Le vrai mystère des champignons). Je retourne donc bientôt à Convivial et laisse le temps faire venir une compréhension plus ramifiée de ce qui s’y invente…

Hugues Robaye

imgp1916ret19x14.jpg







SEA POSITIVO |
CFDT CARREFOUR BASSENS |
Point de vue d'un simple ci... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | mémoires
| Ecole de Saint-Rabier
| injustice