Nos racines Lés arpes d’el drèfe

7112019

vern3 noté2 Installation, métamorphoses et acteurs observateurs… Chapelle Notre-Dame de Grâce, Tournai

Jacques Tati disait qu’il faudrait intégrer aux programmes d’enseignement des heures d’observation…

Un jour Isabelle Tesse passe par la drève de Maire (Tournai) et remarque les croix peintes qui condamnent certains platanes de cette large avenue au trafic intense. Elle en parle à Jean-François Van Haelmeersch : ce serait bien de garder trace de ces arbres qui peuplent notre jardin intérieur ; des empreintes ?

Et Jean-François Van Haelmeersch de s’y mettre : des frottis sur papier, des photos retravaillées de traits, des empreintes sur tissus du tarmac avoisinant ; à partir des photos et des frottis, il abstrait des xylogravures…

Il en parle à Caroline Léger, si sensible au végétal, qui se met à travailler, elle, à montrer l’alpha et l’oméga de nos amis les arbres : photos de jeunes pousses sous un éclairage d’exposition, les racines vitales et fragiles reliées au feuillage dansant par une tige gracile où passe un filet de lumière tel une veine ; un fut fait de pages d’un livre ancien reposant sur un rouleau de papier suggérant un tronc avec ses cernes et ses années.

JFVH en parle à Bruno Delmotte qui compose une suite poétique en picard traduite en français et assortie d’explications philologiques éclairant les racines de la langue française quand elle remonte le temps en passant par le picard. Il compose une sorte de bestiaire de la drève de Maire (« maire » renvoie aux marées de l’Escaut qui avaient transformé ce lieu en marais, jadis) : bestiaire d’habitants, animaux et humains, vivant dans la beauté de cette allée qu’en automobilistes pressés nous oublions de regarder…

Nous composons un livre et j’ai bien envie de décrire ce beau et bon travail d’observation en commun, à plusieurs ; toutes les formes qu’il prend, que lui donnent ceux qui ont pris le temps : 5 artistes soucieux du vivant : un travail éthique…

Nos racines Lés arpes d’el drèfe, Bruno Delmotte, Caroline Léger, Hugues Robaye, Jean-François Van Haelmeersch, Phare Papier 2019, 10 euros

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Wolof, picard, même combat ?!

5112009

C’était un jeudi soir à la Maison du Livre de Saint-Gilles (Bruxelles). J’écoutais l’écrivain du Sénégal, Boubacar Boris Diop interrogé sur son dernier roman, Les petits de la guenon, paru chez Philippe Rey cette année. Une partie de la conversation abordait à la question du wolof. Boubacar Diop écrit (aussi) en wolof. Il parlait de l’importance d’écrire dans cette langue majoritaire au Sénégal. Il disait sourire quand on lui demandait, mais quand allez-vous traduire votre livre en français ? (dans une vraie langue, ajoutait-il malicieusement). Il parlait du monde de la langue wolof, si différent de celui de la langue française, qu’il n’y avait à proprement parler pas de traduction qui tienne. Une syntaxe si différente, un espace sonore aux autres résonances… Il parlait par ailleurs de la langue particulière qu’a chaque écrivain. Poursuivait sur la nécessité de cultiver cette langue wolof, attachée à l’histoire, à l’identité, à l’intimité des Sénégalais. Il disait avoir animé un atelier de wolof à Bordeaux où il avait fait découvrir à de jeunes immigrés sénégalais leur langue maternelle. Étrange d’écrire en français au Sénégal, langue que l’on n’entend pas dans la rue. Écrire dans une langue que l’on n’entend pas ! s’étonnait-il…

Je repensais aux rencontres passées avec Lyonel Trouillot, l’écrivain haïtien ou In Koli Jean Bofane (l’écrivain congolais) où j’avais senti le même engagement de l’écrivain face à une société dont le développement propre a été perturbé mais qui est restée traditionnelle. On dirait que l’écrivain tente alors de reconstruire.

Je repensais à une rencontre avec Bruno Delmotte qui anime les ateliers de picard à la Maison de la Culture de Tournai. Il m’expliquait l’historique de ces ateliers. Leur création dans les années septante dans la foulée de mai 68, dans un souci de retour à de « vraies valeurs ». Les « cultureux » (ainsi appelait-on ceux qui s’intéressaient au picard tout en se démarquant du théâtre wallon) voulaient retrouver une identité régionale, une appartenance culturelle qui passait par (et dans) une langue charnue. Le picard qui avait été la langue de leur enfance dans les villages (années 50/60). « À cette époque on parlait encore picard dans les villages », me disait Bruno Delmotte qui évoquait une « Romania en dégradés ». De kilomètre en kilomètre, de légers glissements de langue…
 

La Romania, cette transformation continue, cette ébullition du latin « vulgaire » en contact avec des substrats, des apports infiniment divers ; une Romania riche de particularités, de mots et d’expressions savoureuses (des modulations du français « normé »). Oui creuser la particularité, disait Bruno Delmotte, penser mieux son identité pour être plus sensible aux particularités des autres et donc fonder une entente, un réseau sociaux plus subtiles. Approfondir la perception, la connaissance des choses, de la langue, des langues. L’intérêt pour le picard acquérait, à l’entendre, une dimension éthique. Prendre plaisir ensemble à partager des finesses et charmes d’expression…

Hugues Robaye 







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