La géomancie de Paul André

19072009

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« Refaire le monde, ses sols, ses arbres et ses rivières par la seule grâce d’une géomancie purement langagière qui ne dérangerait rien de l’ordonnancement matériel »    (À bas bruit, les instants, p64)

En effet, de livre en livre, Paul André recompose, redessine un espace. Un espace rural situé: le tournaisis traversé par le fleuve, par l’Escaut et axé autour d’un hameau : Fourcroix, où l’écrivain s’établit dans une ferme de longue histoire. Mais cet espace n’est pas aussi déterminé que cela. Car son expérience du Maghreb et du désert, des peuples du désert (il vécut trois ans en Tunisie) vient constamment se glisser dans la géomancie. Les hommes de là ne sont pas très éloignés des villageois liés, dans leur présent, au passé et aux traditions. Des passés plus ou moins lointains se mêlent aussi au texte - un Moyen Age réactualisé, par exemple. Des temps qui donnent à cet espace une autre profondeur de champs et de ciels. 

Le livres de Paul André se présentent souvent comme des suites de courtes proses poétiques volontiers narratives (où l’on sent le conteur), parfois centrées autour d’un personnage dont les apparitions ponctuent le livre, comme des agets (le titre d’un recueil), des bornes (Jean Catoire dans Pays alezan (1977) ou Dieudonné d’À bas bruit les instants (2007)). Suites narratives de proses poétiques ? Oui. En tous cas, un pays se recompose de laisse en laisse, gens, plantes, animaux, météores, ouvrages, pensées… À chaque long poème, la topographie, l’écriture du lieu, se recentre différemment. Et Paul André a donné par ailleurs d’autres formes à sa géomancie: nouvelles (Il est permis de rêver, 1981) ou contes (Contes des sages du désert, 2007 ; Contes des sages au fil de l’eau, 2008). 

Le philologue Paul André (qui enseignait le français et la littérature) joue des passages entre le français et le picard: Dins l’feond, pour mi, Mahomet y aveot bin vu lés cosses/Au fond, il me semble que Mahomet avait assez bien vu les choses… (fasciné par le soufisme, Paul André retient de la parole mahométane la célébration d’une présence pleine au cosmos, à ses phénomènes les plus ténus. Présence panique  ou faunesque (on trouve un faune dans C’est, en 1995), comme une extase matérielle à la Le Clézio… Passages du français contemporain au français classique, au français médiéval. Sa langue, qui par moment fait penser à du Max Elskamp (qui s’évertuait, lui, à faire re-sentir une Flandre artisanale), touche par sa plasticité, ses métamorphoses continuelles et son invention, ses nouveaux mots, ses alliances sonores… 

Paul André, « clerc dans les campagnes et dans le désert » (voir plus bas) ? Un peu comme l’était Maurice Chappaz dans le Vaud. Ce sont des penseurs poétisants qui retrouvent un monde rural où ils sont nés et qui, tout en s’y intégrant par des travaux manuels, le revisitent et lui redonnent du sens. (Car il y a aussi, à cet œuvre, un arrière-plan social sombre : l’évocation de la désertion des campagnes, de l’exode vers les villes, du chômage, de la disparition des savoir-faire (voir par exemple son recueil de nouvelles, très écologique…)). 

« Re-créer, re-voir, re-sentir, re-toucher, re-dire, re-faire. Dans le respect des choses, parce qu’elles sont là. » (p64) 

L’œuvre de Paul André répond à ce programme et a cette force qui la rend de salubrité publique ! (puisqu’elle tient et réussit à engager tout lecteur à intensifier par un simple contact avec des mots sa présence à l’espace où il vit). 

L’écrivain pratiquait aussi des formes d’art spontané, travaillait le bois et le fer, faisait de la calligraphie arabe. 

« C’est ici et c’est nulle part. C’est quelque part dans votre tête. C’est vous autres là où vous voulez. » 

Paul André (1941-2008) a publié une douzaine de livres. Les premiers ne sont plus disponibles. Dans le commerce : Traque d’Éros au Taillis Pré (2001) ; Le petit cri têtu du perce-neige aux Déjeuners sur l’herbe (2005); deux livres accompagnés d’encres d’Alain Winance, à l’Esperluète : D’Ambleteuse et d’elle au plus près & À bas bruit, les instants (2004 et 2007). Enfin, au Seuil, les deux recueils de contes (2007 et 2008). Comme Paul André ne se souciait pas plus que cela de publier, restent des inédits…

Le premier cabanon littéraire (voir plus bas) présentera donc la vie-oeuvre de Paul André.

Hugues Robaye

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MaYaK (se) construit un cabanon

15072009

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Sur la plage et à côté du Phare, évidemment… Mais aussi ailleurs, partout… Un cabanon ? Un cabanon « littéraire »: la « plate-forme de communication de savoirs vivifiants », l’association GE !, diversifie ses activités et ses médias. Revue-Livre, ligne d’édition, site (en complète reconstruction, nous en parlerons bientôt), blog… Et maintenant, le cabanon littéraire : un dispositif d’exposition littéraire léger, démontable, déplaçable… De quoi s’agit-il ? D’une cabane d’environ 10 m², armature en bois, murs et toit de tissu. Un espace dédié à un écrivain. Un parcours efficace, rapide, convaincant, juste et beau ( ?) dans la vie-œuvre d’un auteur… De la « publicité transfigurée » (selon l’expression de Paul Nougé, le surréaliste belge) pour des auteurs vraiment… vivifiants. Une construction éphémère, montée dans une bibliothèque ou un centre culturel par exemple, qui convie le visiteur à un parcours. À plusieurs parcours…

À l’extérieur, une série de placards lui font découvrir, à partir de documents d’archives, l’œuvre d’un écrivain. Photos, manuscrits, peintures, courts textes explicatifs, objets accrochés à la structure; un parcours en étapes. Le visiteur entre dans un monde, mais reste encore à l’extérieur… 

À l’intérieur, un dispositif audiovisuel – télé et radio – le rapproche encore plus intimement de l’écrivain. Sur les parois intérieures du cabanon, plus intimes, des extraits courts et émouvants de ses œuvres. Le visiteur devrait sortir de cette courte visite un peu différent, songeur (c’est d’ailleurs l’effet que Paul Nougé voulait à l’art…).

Un dépliant en quadrichromie résume le parcours.

Voilà : un nouveau projet en cours que Caroline Léger (textile), Muriel Logist (graphisme), Mathieu André (ébénisterie) et moi-même (conception) vous préparons.

Inauguration et première : Maison de
la Culture de Tournai le 10 octobre 2009

Le premier cabanon : autour du poète, de l’homme, du clerc dans le désert et les campagnes : Paul André.

Hugues Robaye

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Premiers croquis du cabanon (comme plus haut, divers projets), par Mathieu André (« les copeaux d’abord »)




Le mystère des voix nulle part

1062009

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L’ordinateur, c’est un peu nulle part. Alors il y a un certain mystère à entendre des voix en sortir… Les Mayaques ont demandé à des personnalités qui ne sont pas spécialement des liseuses professionnelles de lire de brefs extraits de textes dont ils parlaient dans ce blog (voir lien ci-dessous pour les articles). 

Pour le lecteur audacieux: s’aventurer avec le corps de sa voix dans un texte qui l’attire à des hauteurs et des rythmes variables. Simples et touchantes lectures dans des contextes variés, hors studio. Pour l’auditeur, petite aventure ordinaire mais mystérieuse: se laisser guider par une voix dans un texte qu’il ne connaît pas. 

Ce qu’écrivait le poète Paul André au sujet du lieu poétisé, on pourrait le dire de l’espace particulier qu’ouvre la voix: « C’est ici et c’est nulle part. C’est quelque part dans votre tête. C’est vous autres, là où vous voulez ». 

L’artiste et graphiste Muriel Logist nous lit du Louis Delattre, du Jacques Dapoz et du Gérard de Sélys (de qui nous parlait Lise Thiry dans un article précédent). 

Louis Delattre, Vers luisants,  1928

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 Jacques Dapoz, Journal de l’antenne rouge, 2007 

 

Gérard de Sélys, L’apoptose, 2009

 







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