Terre Habitat: matériaux de construction écologiques

16082011

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À 53 m du centre du (petit) monde mayaque, se livre un commerce particulier. « Commerce », à l’origine, veut dire « échange de marchandises », mais au cours de l’histoire, le mot s’est mis à désigner des relations, des échanges entre personnes. Avoir commerce avec… 

Chez « Terre Habitat », on dirait que le processus sémantique s’est inversé : des relations avec des personnes débouchent, dans la confiance, sur un échange de biens. 

« Terre Habitat », à 53m du… est un magasin de matériaux de construction écologiques, choisis avec une grande exigence et une volonté de les rendre accessibles (le bio pas que pour les riches). Le bénéfice n’est pas la préoccupation première… Vente oui, mais aussi accompagnement dans des projets de construction ou d’aménagements. 

Le magasin se situe, en toute homogénéité, dans les dépendances d’une maison familiale. La famille Detournay expérimente ce que le magasin propose. 

Un tout organique. 

Construire, aménager, habiter, c’est un art (et aussi une pensée de la respiration (la chaux, l’argile) et des relations entre les habitats naturels et les maisons humaines), un projet de vie. Un engagement…  La marche de la décroissance ne s’arrête-t-elle pas, pour des rencontres débats, dans le jardin de « Terre Habitat » ? 

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Le 25 juillet passé, je franchissais ces cruciaux 53m (tout point de l’espace, rappelons-le, est toujours le carrefour d’une multitude de forces ; mais ici, encore plus) pour aller interroger Roumi Detournay, l’intègre animateur (je ne peux pas utiliser une autre appellation) de « Terre Habitat ». Cet entretien occupera une partie du MaYaK 6. Mais je voulais déjà en donner un avant-goût ; des fragments de paroles : 

Terre : « Oui, notre magasin s’appelle « Terre et habitat » : la terre est un matériau polyvalent : on construit en terre, la terre est dans la maison ; nous proposons beaucoup d’enduits à l’argile. L’homme est en contact avec la terre, c’est primordial et nous travaillons dans cet esprit : nous aimons penser qu’une maison sort de terre. Nous sommes en relation avec des personnes qui se sont passionné pour ce mode de construction. Pas loin d’ici, à Bassily (Hainaut belge), une personne s’est mise à construire sa maison en terre puis a bien étudié cela et maintenant c’est devenu son métier : il accompagne des gens qui font de même. C’est quelqu’un qui vient ici au magasin. 

Relier les gens : « Nous sommes en contact avec de jeunes entrepreneurs qui se lancent dans ce genre de construction.Ils sont passionnés, cherchent, expérimentent au niveau des matières et créent même des produits. Je connais les produits par les fabricants mais eux expérimentent et cela ouvre tout un dialogue autour de l’auto-construction. » 

Articles : « Nous proposons des produits pour l’isolation, de la terre, de la chaux, des peintures, produits pour le traitement du bois, des planchers… » 

Étude : « J’ai fait un gros travail d’étude avant de me lancer. Le fabricant est déjà obligé de préciser la composition des produits ; c’est une première source d’information pour moi, facile. Mais cela ne suffit pas et je continue aussi à étudier les nouveaux produits. » 

Sélection : « Je ne suis pas attaché à une marque ; chaque marque a sa spécialité et j’étudie cela pour cerner le meilleur produit dans chaque partie de la construction. » 

Une autre commerce : « Je n’ai pas de formation commerciale préalable. Mon but n’est pas de vendre mon stock. Mais d’informer et de bien comprendre la demande. Je propose toujours 4 ou 5 solutions au client, sachant ce qui convient le mieux. Je lui explique mais il choisit. Le magasin n’est pas grand ; j’ai ici ce que j’ai jugé, sur base de mes études et de ma pratique, comme le meilleur produit. Si le client souhaite autre chose, je commande… » 

Homme de métier : « J’ai travaillé avec mon père qui est entrepreneur en construction (nous avons notamment reconstruit le siège mayaque, à 54 m d’ici). J’ai donc travaillé avec ces matériaux que je vends, maintenant ; je les ai placés ; j’ai appris à les connaître ; j’ai pu les comparer avec les matériaux non bios… Le produit est toujours accompagné d’une notice pour l’utilisation et le placement, mais rien ne vaut les conseils venus de l’expérience sur le terrain, tant les conditions de placement diffèrent toujours. » 

Assister le client : « Au début, j’allais parfois sur place, chez mon client mais cela me prenait trop de temps ! Alors on parle, on se téléphone. Oui, il y a tout un travail d’éducation, de formation. Ces matériaux sont souvent méconnus ; les gens travaillent seuls ; il faut les aider. Dans mon métier, il y a ce côté formation qui se double d’une mise en relation avec des professionnels que nous connaissons bien et à qui nous faisons confiance. Ainsi, un réseau se crée. » 

Le commerce et la maison familiale : « Oui, la maison est à côté. C’est un choix que nous avons fait pour que je puisse rester près de la famille (aux heures creuses, c’est très bien). Et puis, nous expérimentons aussi les matériaux dans la maison. Nous vivons avec ces matériaux ; nous sentons et comprenons mieux quelle différence il y a entre le plâtre et la terre ou la chaux. Les matières naturelles sont complètes, vivantes et polyvalentes : les isolations, par exemple, se combinent en elles : thermique, acoustique. Alors qu’un matériau chimique isole une fonction : il peut protéger du froid, mais pas du bruit… Il est moins cher au départ, mais il faut faire un double travail… Nous avons aussi constaté que la densité des matériaux naturels les rend plus durables. S’ils sont plus chers à l’achat, à long terme, ils sont bien plus « rentable ». Sans reparler du confort vital qu’ils procurent… » 

Le commerce comme un engagement : « Ce n’est pas vraiment un commerce, cet échange s’intègre à notre vie familiale, plus largement. C’est un engagement général, comme l’école à la maison par exemple, ou l’accueil, il y a deux ans, de la marche pour la décroissance qui nous a demandé si elle pouvait faire halte chez nous. Ou comme nos projets d’animations mensuelles, sur la confection de crèmes à partir de plantes ou sur des chantiers précis de restauration où les personnes présentes expérimentent des techniques (la rénovation mur en torchis du siège mayaque par exemple…). Par ces stages, il ne s’agit pas d’ « attirer la clientèle », comme dans les dégustations des grands magasins !, mais d’échanger, de travailler ensemble, de découvrir des techniques… »

Hugues Robaye

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Terre Habitat

Potterée 9, 7880 Flobecq, 068/286654

www.terrehabitat.be 

 

 




Vivre!

2062011

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En 1970, le mathématicien Alexandre Grothendieck, qui vient de démissionner de l’Institut des Hautes Etudes Scientifiques, fonde à Montréal le mouvement Survivre. Il est rejoint par d’autres mathématiciens prestigieux comme Claude Chevalley ou Pierre Samuel, et par de jeunes chercheurs comme Daniel Sibony ou Mireille Tabare.

Inspirée de Marcuse, la revue Survivre, revue du mouvement bien vite renommée Survivre… et Vivre!, dénonce la technocratie qu’est devenue la science en Occident et cherche des alternatives. Survivre veut « déplacer le centre de gravité de la recherche du laboratoire vers les champs, les étangs, les ateliers, les chantiers, les lits des malades »; ses membres s’engagent dans des communautés qui pratiquent l’agriculture biologique et apprivoisent les technologies douces.

A propos de la science devenue technocratie, Survivre écrivait qu’ »elle ne tolère de désirs et de vérités chez les gens qu’en référence à elle ». Aujourd’hui, quarante ans plus tard, l’emprise technocratique renforcée rend plus difficile encore l’engagement dans des alternatives. Un élément central est peut-être sa confiscation du temps.

 Que le courage de Grothendieck et ses compagnons nous soit aujourd’hui un exemple!

 Xavier Vanandruel

Ce billet est inspiré d’un article de Céline Pessis dans la revue Entropia n°10, pp. 124 et ss.




Intervention culturelle de salon 2

12122010

drapsc330cm.jpg Les « draps » 2,50 sur 70 de Véronique Debliquis, voir ci-dessous

La participation à l’organisation de TLP, c’est « MaYaK arrière-pays », « MaYaK société ». Les éditions, c’est « MaYaK bord de Mer », MaYaK solitude, retrait et préparations… « Solitudes en sociétés » : le thème du MaYaK5 qui se prépare en continu et qui sortira (bientôt et avec un peu de retard…) Cette année à TLP, l’intervention du GE ! s’est portée sur l’étage de la « Halle aux Draps » sur la Grand Place de Tournai (imposant bâtiment gothique reconstruit après les bombardements de 1945 et où se tient TLP depuis de nombreuses années). Étage traditionnellement déserté des visiteurs absorbés par l’offre du rez-de-chaussée… Problème concret. D’espace, de circulation dans l’espace. Comment concevoir à l’étage un lieu homogène où des espaces variés s’appellent ? Je détaille ici quelques idées que nous avons essayé d’appliquer. Au rez, un vaste espace central, entouré, sur tout son périmètre, de galeries à colonnades ; à l’étage, il y a ce pourtour (longs couloirs fermés du rez par des fenêtres) et une salle de cérémonies sur le devant. Une verrière recouvre le vide central. Rez et premier étage sont séparés, en hiver, par un velum en toile. Le bâtiment majestueux est comme coupé en deux ; on ne voit plus l’étage depuis le rez… (en discutant avec Jan Godyns, architecte et prof à Saint-Luc Tournai, abordant des questions de scénographie d’espaces publics, il était apparu directement qu’il fallait enlever le voile pour faire sentir au visiteur la majesté de ce bâtiment). Jan faisait de petits dessins montrant comment une circulation pouvait se faire à l’étage. Une discussion avec des professionnels fait avancer les choses ; en particulier avec Jan qui s’impliquait généreusement. Ce projet d’aménagement, de pensée de l’espace est assez… exaltant…Se dire qu’on peut organiser un lieu, y laisser des signes, l’ordonner, lui donner du mouvement… Au lieu de considérer ce lieu, en particulier l’étage, comme une contrainte, il fallait le faire apprécier aux visiteurs. Le slogan – « Promenons-nous dans la Halle » – est vite venu…   

Nous avons déterminé des espaces, en cet étage dissuasif : « Conservatoire de la voix » (lieu des lectures des élèves du Conservatoire de Tournai), « Tables rondes », « Des éditeurs qui vous parlent » (grande table organisée par Sylvie Cuvelier, où 8 éditeurs importants : Nature&Progrès, Aden, Ceriser, Lansman, Esperluète, Daily Bul, L’âne qui butine, CEC avaient fait des dépôts et où on pouvait entendre certains d’eux s’exprimer sur leurs choix de dépôt) ; « Village des écrivains » (où des auteurs sans éditeur au salon présentaient leurs livres) ; « Expos » ; « Cuisine du monde » (avec une sympathique famille cambodgienne (dans le genre, nés ailleurs, ils cuisinent ici…) qui proposait pas loin du village des écrivains, une série de plats délicieux…) ; « Cuisine bio Dôrloû » (important la présence de cette ferme,  noyau N&P (voyez nos liens et devenez membres) du pays des Collines, pas loin de la table d’éditeurs réunis où on trouvait des livres de N&P, pour rappel : première association écologique du pays, avec plus de 7000 membres et des locales, réseau associatif inouï) ; « Arbres à paroles des écrivains publics » (un espace dédié aux écrivains publics de Tournai, très actifs dans la ville (une autre pratique de l’écriture, plus sociale)) et présents à chaque salon : expo de leurs travaux dans la prison ou dans les quartiers, projection vidéo, table pour ateliers d’écriture, pommes bio gratuites (apportées par le Dôrloû) à ceux qui laissaient un petit mot sur l’arbre, ce qui leur aurait permis, peut-être, de gagner des livres (achetés aux éditeurs présents). Espace ateliers : enluminure (Dorothée van Hona) et reliure récup (Broleskine et Corinne Clarysse).

Deux éditeurs en plus à l’étage : MaYaK/Phare Papier (l’édition de pointe en Europe) et le Club des Créateurs Contemporains : table qui réunissait des initiatives éditoriales jeunes, légères et belles… Une signalétique conçue par Véronique Debliquis (dessinatrice et prof de graphisme à Saint-Luc Tournai) signalait au rez ce que le visiteur pouvait trouver à l’étage. Des draps (en papier) de 250/70, accrochés aux arcades du rez (voir photo). Des petits panneaux carrés (30×30) : « promenons-nous dans la halle » reprenant le bonhomme du programme (visuel sélectionné parmi les travaux des élèves de VD) étaient accrochés un peu partout dans la halle. Sur le sol, des autocollants se concentraient près de l’escalier qui mène à l’étage. À l’étage, des panneaux indicateurs signalaient les différents espaces. 

Des expos articulées : expo des éditions « La Licorne » qui fait un travail d’ateliers d’écriture en milieux précaires, articulée à une expo sur les figures contemporaines des littératures africaines et des Caraïbes (proposée par CEC, une ONG bruxelloise qui promeut les cultures africaines et à qui nous avions proposé un dépôt sur la table des éditeurs, animée par Sylvie Cuvelier qui avait réalisé des enregistrements auprès de ces éditeurs où ceux-ci expliquaient leur choix de dépôt, ouf, quelle parenthèse importante…), articulée à un travail d’illustration de Hélène Vandenbussche, en cinquième année à l’Académie de Tournai, sur des nouvelles en cours de parution de Jean-Claude Kangomba qui animait une table ronde avec Inkoli Jean Bofane et Maximilien Atangana, le samedi… Oui, cela tient, cela circule… Expo articulée aux travaux des élèves de Véronique Debliquis (Saint-Luc Tournai), travaux pour concevoir une affiche programme… 

Bref, une certaine cohérence.

Hugues Robaye

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Habiter en poète

2062010

Hölderlin

« Territoires et décroissance »: c’était donc là le thème de la journée d’études, autour de la revue Entropia et de ses collaborateurs, à laquelle j’assistai voici quinze jours. Le matin, avant de prendre le train à la gare de Boitsfort, j’entendais à la radio le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, déclarer que la crise financière actuelle était la plus grave depuis la fin de la première guerre mondiale. Cette annonce semblait éclipser toutes les autres  préoccupations pour l’avenir. Pour les sympathisants de la décroissance, dont je suis, cet accent exclusif  sur les difficultés de la finance mondiale  est dérisoire, car l’épuisement de la terre est une crise autrement plus grave. Comment se fait-il, alors, qu’on n’en prenne pas la mesure? Je crois que c’est le géophysicien américain Marion King Hubbert, spécialiste de la fin des ressources pétrolières*, qui a donné la meilleure réponse: « Notre ignorance n’est pas aussi vaste que notre incapacité à prendre en compte ce que nous savons ». Ou encore, peut-être se souvient-on de la déclaration de Jacques Chirac, alors président français, au sommet de la terre de Johannesburg: « Notre  maison brûle et l’on regarde ailleurs » (mais que s’en est-il suivi?). 

A quoi bon répéter encore dans une journée d’étude les données factuelles sur l’épuisement de la terre, si les participants les connaissent, mais qu’ailleurs on ne veut pas les prendre au sérieux?  Des deux axes de la réflexion sur l’après de notre civilisation industrielle, celui de la nécessité et celui du souhaitable, il n’est pas étonnant alors que ce soit ce dernier qui ait ce jour-là suscité le plus d’intérêt, parfois l’enthousiasme. A propos de la manière d’habiter un territoire, furent  évoquées notamment des expériences scandinaves d’habitats groupés. Au fil des interventions se précisait la recherche d’un équilibre entre le besoin de liberté individuelle et le besoin  d’insertion dans une communauté. Thème déjà traité dans Entropia par le philosophe et anthropologue californien  Marcel Henaff, autour de Jean-Jacques Rousseau, dont il montre qu’un souci majeur était la juste distance entre soi et autrui ( à ce propos, c’est précisément le thème de solitude et société qui guidera la matière des deux  prochains numéros de MaYaK). Le rédacteur en chef d’Entropia, Jean-Claude Besson-Girard, évoquait, quant à lui, le poète allemand Hölderlin, pour inviter à habiter en poète sur cette  terre, ou René Char, le grand poète français de la Résistance. Car ce n’est pas de l’enflure que considérer qu’aujourd’hui l’horizon, pas si lointain, est aussi sombre qu’il avait pu l’être alors.

La poésie est l’affirmation de l’illimitation de la réalité en « temps de détresse »…Si elle est d’abord mode de vie non mutilée, il s’agit de retrouver le chemin d’une pulsion plus forte que celle de la mort. C’est recouvrer une capacité de résistance et  de création propre à notre espèce. Cette potentialité est la dimension poétique de l’habiter de l’être humain sur la terre…

Jean-Claude Besson-Girard

Xavier Vanandruel

* c’est lui qui a donné son nom au pic de Hubbert




Vies perdues

13042010

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Parmi les lectures qui bouleversent, jusqu’à parfois infléchir une vie, il en est qui provoquent d’abord un sentiment d’angoisse et de malaise. C’est ce sentiment-là que j’ai éprouvé à la lecture de l’essai Vies perdues du Polonais Zygmunt Bauman, le même sentiment  qui jadis m’était venu dans le musée consacré au sculpteur Wladislaw Hasior, à Zakopane. Les Polonais, peut-être plus encore que les Russes, savent exprimer une révolte métaphysique.

Ecrit dans le même style détaché, presque nonchalant, avec lequel la globalisation marchande transforme des êtres humains en rebut, l’ouvrage de Zygmunt Bauman commence par une évocation de Léonie, une des Villes invisibles d’Italo Calvino. A Léonie, les habitants ont tant la passion de la nouveauté que chaque jour ils envoient au rebut ce qui les avait séduits la veille. De la sorte, la ville finit par s’entourer d’une chaîne de montagnes de déchets indestructibles, vers  laquelle personne ne souhaite élever le regard. Comme Léonie, notre monde marchand relègue à ses frontières des déchets, avec toutefois, en plus de déchets matériels, aussi des déchets humains. Ceux-ci ne peuvent plus aujourd’hui espérer un recyclage car la globalisation marchande ne cesse de se délester de ses collaborateurs.  Et comme elle a déjà pénétré le monde entier, pas plus ne peuvent-ils être envoyés au loin, comme au temps des colonies ou des terres « vierges ». Il faut alors se résigner à leur présence improductive, et c’est le nouveau rôle de l’Etat de préserver de leur vue ou de leur odeur.

Bauman remarque que cette relégation, cette redondance déclarée d’une partie de la population s’accompagne de la disgrâce de l’éternité,  son héraut la culture et ses corrélats: la durée, l’engagement, l’oeuvre. D’après Max Scheler, cette disgrâce advint après le triomphe du divertissement, au sens pascalien, sur la conscience  de notre mortalité. Dans l’éternité, toute vie, même la plus modeste, avait un sens au moins potentiel; dans le monde liquide et éphémère d’aujourd’hui, au contraire, les formes évanouissantes du lien culturel ou social découvrent des vies nues et redondantes.

Zygmunt Bauman est aussi l’auteur d’une contribution à la livraison de printemps de la revue Entropia, revue d’étude théorique et politique de la décroissance.  Il y introduit trois personnages emblématiques. Dans la période pré-moderne règne le garde-chasse, dont le rôle est de préserver la nature, au besoin contre les braconniers ou les excès de la chasse. La période moderne voit la prévalence du jardinier, qui remodèle et humanise la nature selon ses vues. Mais dans la période postmoderne domine le chasseur: guettant ses proies, insoucieux de préserver un équilbre naturel, préoccupé seulement de la prochaine prise…

C’est à l’occasion de la sortie de ce numéro 8 d’Entropia, qu’est organisé un forum Territoires et décroissance  le 15 mai à Namur, avec trois tables rondes: 1) Subsister, protéger les biens communs 2) Habiter 3) Relocaliser

Zygmunt Bauman, Vies perdues, Rivages poche; revue Entropia, www.entropia-la-revue.org; forum Territoires et décroissances, www.grappebelgique.be

La photo en tête de ce billet a été prise en 2005 à Košice, lors des traditionnelles  »journées de la ville ». Košice fut, au Moyen Âge, un des foyers du développement européen. On voit sur la photo un (ou une?) SDF, tout pareil à ceux de chez nous, portant sur le dos cette inscription: « Aussi un travailleur slovaque est une personne humaine ».

Xavier Vanandruel




Une paysanne qui écrit: Micheline Baguet

5032010

J’étais en train de payer – je l’avoue – deux sacs de combustible fossile polluant quand je vis sur le comptoir la jolie couverture d’un livre dont le titre m’intrigua : Le mot PAYSAN Je ne m’attendais pas à trouver un livre en vente dans ce sympathique magasin de fournitures agricoles, jadis sans doute un silo, où les farines de Moulbaix voisinent avec un très bel assortiment de machines agricoles miniatures, jouets obligés pour enfants de fermiers. 

La quatrième de couverture de ce livre d’une soixantaine de pages, que je pris en main, était signée par : une « paysanne des pays industrialisés ». Éric me dit que Micheline Baguet habite en effet Ostiches, où nous sommes, qu’avec son mari ils exploitent cette ferme au beau portail, tu sais, après la place.  J’achète le livre… Il est joli, comme je le disais, mais surtout, c’est l’œuvre d’une paysanne pour, d’abord, des paysans. Des paysans qui liraient un texte qui les décrit, les justifie, exprime leur importance dans la société. Pour des paysans qui, à la lecture, se retrouveraient confortés, pourraient réfléchir à leur travail que l’économie régnante ne valorise vraiment plus. 

Je trouve cela très intéressant qu’une personne qui n’est pas écrivain de profession publie un texte dont l’un des objectifs est, semble-t-il, de réunir une communauté, de lui donner du sens.  J’ai pensé à Maurice Chappaz ou à Paul André, ces « clercs » (selon les mots de Maurice Chappaz) qui sont retournés à la campagne, se sont initiés à un travail manuel, se sont intégrés dans un paysage social et se sont donné pour mission, dans leurs œuvres, de dire l’énergie de ce mode de vie. Ici, c’est directement une paysanne (institutrice de formation, d’après Éric) qui prend la plume et jette des idées qui font réfléchir et rassemblent. C’est un témoignage qui prend des formes diverses : réflexion, récits, poésie… Un maison d’édition de Lyon porte le projet : les éditions Baudelaire. 

Le livre fait le tour de la question paysanne aujourd’hui et suscite la réflexion. Il met en évidence, notamment, l’« agriculture paysanne » ou familiale qui repose sur « une exploitation gérée par un paysan travaillant la terre nourricière avec sa famille ». Sur le souci de produire près du consommateur, de réduire les transports… Les auteurs de référence de Micheline Baguet sont entre autres Pierre Gevaert, Pierre Rahbi, Emmanuel Mounier, Jean Ziegler… Cela indique bien l’engagement de ce livre qui reste néanmoins très mesuré.  Je me rends compte que cette année je fête mes 20 ans de présence à la potterée (siège social de l’association GE ! depuis 2006). Et ce livre aborde aussi la question des nouveaux ruraux ; des citadins qui s’installent à la campagne. Comment partager un paysage qui a ses traditions éthiques et esthétiques, s’y insérer avec respect, ne pas le coloniser, lui imposer nos aménagements ? Le livre ouvre un dialogue. 

L’intégration est une vieille question bien d’actualité. Mais n’est-il pas naturel et heureux de rester, quelque part et toujours, un étranger ?

Hugues Robaye

Micheline Baguet, Le mot PAYSAN, Lyon, Éditions Baudelaire, 2009

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Alpes en Hainaut

27072009

réchauds   

C’est à la fin du camping du bonheur, à Maubray, que j’avais rejoint pour un soir la Démarche de l’après-croissance.

Le repas se préparait, sur trois réchauds construits à partir de simples boîtes en fer, d’après une technique africaine. Avant de gagner la table les participants avaient discuté, sous la gouverne tranquille de Cathy, des tâches pour le départ du lendemain, en particulier l’aménagement et la traction des trois charrettes dans lesquelles ils transportent leur matériel. Une des charrettes recèle une petite bibliothèque : j’avais offert le MaYaK 3 pour la compléter.

Une participante tint à me dire qu’il s’agit pour eux de renouveler non seulement le rapport au monde, mais tout autant les rapports humains.

Au cours de la journée il avait été débattu de modes de résistance à des projets inacceptables, dont l’exemple tout proche est l’aménagement, sur des terres appartenant au Prince de Ligne, d’un grand centre européen de glisse (ski sur pistes, glace, mais aussi surf nautique, jet ski…), auquel s’oppose une organisation locale qui, avec humour, s’est donné pour nom la Coordination Internationale des Alpes Occidentales (CIAO).

Je pense aux années 70, à l’opposition à l’installation d’un camp militaire dans le Larzac ou à la centrale nucléaire de Creys Malville… : quand  on y ajoute la prise de conscience de l’épuisement des ressources (le rapport du club de Rome), des tentatives de vie autre… il y a tellement de similitudes entre les enjeux perçus, les combats de ces années-là, et ceux actuels…

Je m’étonne alors qu’entre les jeunes comme ceux qui animent aujourd’hui la démarche et les aînés qui militèrent alors, et qui n’ont pas (trop) dévié de leur idéal, une alliance plus visible ne se crée pas.  

Pourquoi?

 http://www.c-i-a-o.eu/

Xavier Vanandruel

  




Back to Dôrloû

1072009

reclaimthefields.jpg 

Pour les historiens  du  futur, ce début du 21e siècle sera sans doute marqué par l’aveuglement des hommes face à l’épuisement de la terre, qu’eux-mêmes auront provoqué. 

Il se trouvera des héritiers du situationnisme pour relever comment ce plus grand des périls aura lui aussi été converti en spectacle-marchandise.

Ou encore des biologistes expliqueront que la temporalité de la sélection naturelle n’avait pas préparé l’homme à un tel défi. 

Des chroniqueurs attentifs relèveront pourtant l’émergence, dans ces années, de mouvements de résistance. Pas vraiment  une résistance conceptuelle  ou armée, mais une résistance avant tout d’amoureux, d’amoureux de la vie. Car justement les amoureux  sont ceux qui ont entrevu une porte vers l’éternité. Amoureux de la vie, de la terre qui nous est donnée. Dans le documentaire La vie moderne  de Raymond Depardon, un vieux  paysan dit du travail de la terre, de l’attitude  qu’il requiert :  « Il ne faut pas aimer son métier, il faut être passionné . » 

Des amoureux  de la vie organisent pour la troisième fois cet été une « dé-marche de l’après-croissance ». Une déambulation donc, à travers notre pays, pour se sensibiliser et réfléchir, tout en marchant,  à notre présence au monde aujourd’hui et demain. Cette année, la dé-marche s’arrêtera à la ferme du Dôrloû (voir le MaYaK 3 où cette ferme est  présentée)  pour deux jours d’atelier, les 18 et 19 juillet, sur le thème de l’installation en agriculture paysanne, suivis de deux jours de mise en pratique collective à la ferme. Le week-end précédent, les marcheurs se seront déjà arrêtés à  la ferme de Morlies à Maubray (près de  Tournai), pour un campement climat qui traitera aussi de la souveraineté alimentaire, intitulé…  camping du bonheur. 

Pour le camping du bonheur, voir :  http://www.climatetjusticesociale.be

pour le Dôrloû :    www.fermedorlou.be

et pour la dé-marche de l’après-croissance :  http://www.demarche.org 

Xavier Vanandruel        




MaYaK à l’écomusée de Fourmies, samedi prochain, le 4 avril

29032009

Fourmies se situe à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Chimay.

Cette année, première édition du festival « Trame(s) ».

« Durant tout un mois, des jalons sont posés dans la ville pour que le livre et l’édition nouent des relations étroites et fructueuses avec la création artistique. A travers expositions, ateliers de lecture, spectacles de danse et de poésie, théâtre, slam et performance artistique, Trame(s) entend montrer l’étonnante richesse du livre et sa surprenante plasticité à répondre à toute forme de création. Ces premières rencontres se concluent naturellement par une large place laissée aux livres avec la présence de nombreux auteurs et éditeurs qui montrent la diversité de l’édition du Nord Pas-de-Calais et de Belgique. »

Le samedi 4 avril, de 10 à 19 h, salon de la petite édition à l’écomusée de Fourmies, parmi les métiers à tisser…

MaYaK, Phare Papier et Pontos seront là… www.trames2009.fr

 

 




MaYaK, new beat ?

14032009

« Ce n’est pas l’autarcie que nous prônons, mais un art de vivre, un plaisir de vivre face à la mécanisation totale (et nuisible) de la vie et du travail. Je crois que, cuisant notre pain, faisant notre fromage, récoltant nos plantes médicinales, vivant en partie de cueillettes, cultivant nos légumes, faisant les foins, tout en écrivant des poèmes et des articles, lisant des livres, médi­tant et marchant dans la montagne, notre vie est l’illustration du fait que, comme l’exprime si bien notre ami Gary Snyder, « II n’y a pas de contradictions entre une vie matérielle exté­rieure dépouillée et un très haut degré de cul­ture »… »

Quelques lignes de ce petit livre qui arriva un jour par la poste à la Potterée, siège du Groupe Esthéthique ! La maison sur la montagne : une vie d’ermite par Michel Jourdan (Le Relié poche, 9 euros). Michel Jourdan, un homme qui se retira dans les années septante en Haute Ariège et aménagea avec sa compagne, de leurs mains, une grange, habitant poétiquement la Terre… Poétiquement et en accord, en collaboration avec la nature environnante, mais plus qu’environnante (« nous sommes devenus mélangés d’arbres, d’herbes et de torrents »…). Superbe petit livre de celui qui anima la revue « Chaman », avec dans le comité de lecture, notamment, Gary Snyder, Jacques Pimpaneau, Jacques Brosse…

Alors, MaYaK, new beat ? Oui et non, comme la vie, comme le serpent à plumes, MaYaK est insaisissable !

Mais l’amitié est là, Michel Jourdan, qui participera à un MaYaK à venir, écrit à MaYaK ces moments d’un séjour au Laos :

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