L’impossible L’autre journal

2052012

L'impossible

« Par quel mépris de soi juge-t-on impossible de balayer cette économie qui programme son anéantissement en accaparant et en saccageant le monde? [...] La vie prime l’économie. La liberté du vivant révoque les libertés du commerce. » Ces propos de Raoul Vaneigem,  semblables à ceux qu’il tient avec  la même vigueur depuis de nombreuses années*, je les ai trouvés dans les pages du deuxième numéro d’un nouveau magazine, L’impossible L’autre journal **. Outre la plume de  Raoul Vaneigem, j’y ai reconnu celle  de Francis Marmande, écrivain et critique de jazz,  et le crayon de Benoît Jacques, figure mythique de la littérature jeunesse, qui, assoiffé de liberté, décida un jour de quitter les grands éditeurs pour s’autoéditer.

Le lancement du mensuel L’impossible, d’abord prévu pour le printemps 2011, fut d’abord repoussé à l’automne de cette même année. Le premier numéro sort en définitive le 14 mars 2012:  « Il est né de ce  sentiment finalement assez rare, d’un pari: la confiance ».  Patatras! l’absence ce jour du numéro dans les kiosques gâche la joie : le diffuseur avait fait défaut, sans prévenir du retard.

Mais les rédacteurs persévèrent,  s’obstinant à vivifier des mots semblés morts sur  la grande scène de la marchandise : « sincérité, engagement, morale, foi dans les oeuvres- toutes choses très sérieuses qui n’excluent ni la gaieté ni la légèreté, toutes choses très graves qui n’excluent ni l’ironie ni l’intelligence. Il s’agit de l’espoir qu’un journal entre dans la vie de chacun et, à sa façon, la bouleverse. »

Mots que les Mayaques comprennent.

Bonne chance à L’impossible !

Xavier Vanandruel

* voir en particulier le MaYaK4

** www.limpossible.fr

 

 




Rimbaud au pays du porphyre, Éric Durnez

16102011

ricdurnezetatelierfazyoctobre2011001reclr.jpg il nous arrive d’être sérieux au siège mayaque de la potterée: à gauche, chef mayaque, à droite Éric Durnez

Il nous faudrait plus de poètes mercenaires pour donner sens à nos vies. 

Ce vendredi 14 octobre, nous assistions Sylvie Cuvelier et moi à la lecture par Éric Durnez d’une version encore inachevée de sa pièce sur le monde des carriers de Lessines. On fête l’année prochaine les 150 des carrières de porphyre et de leur exploitation par les « cayoteux ». Le Centre culturel René Magritte (avec qui, en la personne de Myriam Mariaulle qui nous invitait ce vendredi, nous avons collaboré l’année passée dans le cadre du salon des livres de Tournai) a organisé dans ce cadre là une résidence d’auteur. Ainsi, armé de son porte-plume effilé (il s’agit de cet objet qui sert à écrire à la main et que l’on remplit d’encre), Éric Durnez est remonté à trois reprises de son Gers d’adoption pour travailler à ce projet. 

Se balader, prendre l’atmosphère des lieux, évaluer la demande des commanditaires, rencontrer les acteurs réels, les carriers, s’imprégner, lire ; laisser les images, les mots, les situations faire leur chemin… Le poète synthétise un monde. Poète ? Celui qui révèle des formes de vérité par la langue, par les mots qui lui viennent et qu’il ordonne un peu et rigoureusement ? 

De la poésie appliquée. Au monde de la carrière, de la pierre, du travail pénible mais aimé… Alors, si ça marche, les carriers comprennent mieux leur amour ! Je pensais à cela quand nous sommes arrivés avec Sylvie à la caserne des pompiers de Lessines où nous allions écouter Éric lire cette version en chantier. Je me demandais, comment il avait travaillé. Cela m’intéressait beaucoup de suivre et de comprendre son cheminement. Et ce qui en avait résulté. 

Nous avons donc d’abord entendu le résultat. Et je dois dire qu’il m’a assez soufflé. (Éric Durnez avait (notamment) lu le Louis Scutenaire (surréaliste belge) de Raoul Vaneigem (chez Seghers) et retenu le nom de Rimbaud que « le Scut » aimait tant. Rimbaud était passé par Bruxelles et Charleroi. Pourquoi pas par Lessines ? En creusant ce filon, le Gersois d’adoption découvrait que plus tard Rimbaud allait gérer une carrière à Chypre…). 

La pièce que nous écoutions mettait en scène un jeune poète de 17 ans et de passage(s), voulant assister à une explosion de porphyre (de celles qui inspireront plus tard Magritte pour ses rochers suspendus dans les airs et qui pouvaient symboliser aux yeux du poète de 17 ans (revisité par Durnez), et à ses sens de jeune anarchiste, la destruction pour mieux reconstruire). La pièce avait aussi pour personnages sa logeuse, une jeune paysanne herboriste (le pays des collines, c’est en effet le pays des herbes sauvages magiques), veuve prématurée d’un paysan devenu carrier, et l’ « Ancien », le carrier qui a pénétré les mystères de la pierre, du sous-sol, approché celui du chaos des origines… Oulala, mon dieu (MaYaK tout-puissant), cela aurait pu être bien lourd… Mais en fait ce n’est que ma présentation, mal équarrie (tel un éclat de porphyre négligé), qui l’est… 

Car en fait, à l’audition, je constatais que toute cette matière éclairante, tactile, symbolique, mythique se distillait subtilement en courtes saynètes de dialogues entre le jeune homme fragile et exalté et la jeune fille qui se méfiait de ce « poète » et entre l’idéaliste révolutionnaire (ce même Rimbaud) et l’Ancien qui exprimait la noblesse mystérieuse et concrète de son travail… Alternance de point de vue sur les carrières et le travail des carriers. Échanges entre les personnages, qui s’approfondissaient de saynète en saynète. Des personnages qui se transformaient mutuellement par petits apports (langagiers). Méfiances par rapport à la langue du poète de qui la jeune fille et l’Ancien reconnaissaient pourtant la sensibilité à ce milieu qu’il cherchait à connaître. 

C’est évidemment jubilatoire (et périlleux) pour un écrivain de se mettre à la place de Rimbaud. Éric Durnez a procédé à de discrets collages d’expressions rimbaldiennes glanées notamment dans la correspondance du poète voyant. Correspondance, parlons-en : dans cette version de la pièce, les courtes saynètes de dialogue sont ponctuées de lettres où Rimbaud se lâche – nouvelle perspective, ou forme de langue, sur les carrières – et qu’il envoie à Bruxelles à un certain Verlaine (un poète, semble-t-il). 

Éric Durnez incarne donc Rimbaud avec une sobriété profonde mais aussi avec un humour discret (vous entendrez et verrez). En définitive, je trouvais très émouvante la manière dont il est parvenu à exprimer la fragilité de ce génial hypersensible face à une femme de
la Nature ( !), qui bien sûr le séduit, et à un homme d’expérience (qui, de plus en plus confiant, se livre progressivement à lui)… 

Tout ce travail de mise en forme au service d’une activité industrielle qui marque encore le Lessines d’aujourd’hui. 

Oui, engageons encore des poètes et qu’ils nous montrent mieux le monde dans lequel nous essayons de vivre ! 

Éric Durnez est venu hier à la potterée, siège mayaque. Je l’ai interrogé sur sa démarche et vous entendrez bientôt des extraits de cette conversation. La pièce sera créée à Lessines en juin prochain (Jean-Claude Drouot incarnera l’Ancien). Nous ne manquerons pas de vous avertir ! 

Hugues

 

 ricdurnezetatelierfazyoctobre2011004lr.jpg La pièce se termine bien







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