Réseaux sociaux

28022010

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Après s’être assise en me disant « ha bonjour ! » comme si nous nous connaissions (et, en effet, son visage ne m’était pas inconnu, mais), ma voisine de banquette sortit de son sac des documents imprimés et se mit à lire ce que je repérai bien vite comme une documentation sur les toilettes sèches… Je me mis à sourire quand j’entraperçus l’en-tête du « Début des haricots » sur l’un des documents.

« Le Début des haricots » est une association bruxelloise de permaculteurs que Xavier Vanandruel a rencontrée pour le MaYaK 5 (www.haricots.org). Potagers communautaires cultivés selon les principes de ce mouvement de vie (« permanent culture », « permanent agriculture ») qui date des années 70 (cultures associées, compost de surface, on ne retourne pas la terre… et pensée pratique de l’art et des techniques pour aménager des espaces d’habitation où l’homme prend une place juste dans la nature…) ; informations sur les producteurs bio qui peuvent collaborer à des GAC (groupe d’achats communs), cette association propose aussi des formations à la construction et à l’usage de ce type de toilette écologique, les « compolettes » dont – je souriais à nouveau – j’avais vu, la semaine précédente, un modèle chez Xavier (construit par ses soins), dans sa maison de Boitsfort… À Convivial (voir plus bas et www.convivial.be) la dernière responsable des potagers en bacs, Cheyenne (que j’interrogeais il y a deux semaines), me parlait aussi travail de cette association… Croisements… 

Convivial ? Je demande à ma voisine : vous ne travailleriez pas chez Convivial, par hasard ? Elle me répond que non mais qu’elle y est déjà passée et que peut-être nous sommes-nous vus là … Non, elle travaille à « Une maison en plus » où elle anime des ateliers avec des enfants du quartier. Oui le même quartier que Convivial : Forest quartier Primeurs. « Une maison en plus » ? Une maison de quartier qui offre des services variés et, en fait, c’est plutôt l’architecte chargée de conseiller les ménages en rénovation qui connaît « Le Début des haricots » et s’intéresse aux toilettes sèches…  Oui, il y a aussi un potager à « Une maison en plus ». Ne sommes-nous pas dans le Quartier des Primeurs qui tire sont nom du marché aux légumes matinal animant jadis le quartier ? Et ma voisine de me parler de l’histoire de ce quartier et de l’importance de la faire connaître à ses habitants. Mais elle, elle anime des ateliers artistiques avec des enfants de 6 à 12 ans. La maison de quartier essaie de suivre les enfants sur un long terme, durant toute leur scolarité primaire, en instaurant un dialogue avec les parents. Et ce n’est pas toujours facile de faire dessiner de petits Musulmans, car la représentation n’est pas une pratique encouragée par leur religion ! Mais certains parents sentent bien la portée de ce travail de création – dessin, peinture, sculpture, mosaïque, qui ouvre la personne… Voilà ce que ma voisine m’explique… Mettre la main à la pâte, oui, peindre dessiner, bricoler, mais aussi observer, écouter : on va également à des expos avec les enfants, on montre les œuvres des autres, on regarde comment ils ont fait. Et le travail donne des résultats étonnants comme, par exemple, ce sapin construit et peint par les enfants (et les parents) qui a obtenu le premier prix au concours des « Jeux d’Hiver » (animations de fin d’année organisées par la ville de Bruxelles), l’hiver passé. 

Au fond, il s’agit vraiment de refaire de ce quartier pas facile un lieu où il fasse bon vivre… D’essayer… Travailler avec les enfants, les ados, les parents, les écouter mais aussi sortir, transformer le quartier. Ainsi de ce parcours d’artistes (comme existe celui de Saint-Gilles/Bruxelles où des artistes ouvrent leur atelier-maison) – où, à Forest, artistes, collectifs divers et enfants vont travailler ensemble sur 7 lieux –  parcours qui laissera des traces visibles et vivifiantes dans le quartier. Ainsi de ces bancs qui ont été fabriqués dans l’association et placés dans la commune, ou de cette fresque réalisée par les enfants ou de… (www.unemaisonenplus.be). 

Nous sommes coupés : « Ath » annonce le contrôleur dans le micro. C’est notre gare… Ces initiatives d’associations, pensées, concertées, subtiles qui n’apparaissent pas ou peu dans notre actualité quotidienne, cela me laisse songeur. Ces réseaux que le hasard connecte sous mes yeux, ce jour-là encore ! L’enthousiasme de ma voisine de compartiment… Sa croyance en le pouvoir transformateur de l’expression artistique…  Société civile… Ce jeu de réseaux sera au centre des MaYaK 5/6 consacrés au thème : « Solitudes en sociétés » 

Hugues Robaye

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Arbres de Noël réalisés par les enfants de Une maison en plus; le sapin primé




Convivial: un labo de société

17082009

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Vendredi  14 août : Joannah Pinxteren, anthropologue de la danse (qui a collaboré au MaYaK1) m’invite à une visite de « Convivial » (où elle travaille). 

Un endroit improbable la André Dhôtel que je le relis pour l’instant) : des entrepôts et bureaux entre des voies ferrées et leurs vagues terrains (rue du charroi, d’ailleurs…).  Les trains passent lentement, devant, derrière ; nous ne sommes pas loin de la gare du Midi (Bruxelles). Des gens de partout arrivent là. Des réfugiés qui viennent de débarquer dans un pays nouveau. Les trains passent. Sur le talus du chemin de fer poussent des fleurs étranges. Au pied du talus, les bacs potagers de « Convivial ». Des graminées exotiques croissent entre les haricots, les courgettes, les tomates et autres choux… Je suis de nulle part a l’air de dire ce site (ce pourrait être le titre d’un roman de AD…). Il y a les grandes verrières qui couvrent les hauts entrepôts où l’on nettoie et répare les meubles, apprend la menuiserie, trie des vêtements, des aliments. L’association « Convivial » accueille des demandeurs d’asile et de récents régularisés pour les aider à prendre leurs repères dans la société belge. 

Lieu étrange, on pourrait dire utopique ; une forme de communauté passagère où l’on réfléchit à comment s’intégrer dans une société d’adoption. Où l’on a le sens de l’accueil chaleureux. 

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Tapis, fauteuils profonds, café, thé, dessins aux murs, sourires, paroles de bienvenue… 

Une cellule d’accueil commence par évaluer la demande du visiteur et propose aide ou activités. Aide pour remplir les papiers, trouver un logement, cours d’alphabétisation, des ateliers sont aussi proposés et autres activités : ateliers menuiserie, couture, informatique, activités créatives et d’écriture, cours de jardinage, sorties culturelles. 

L’équipe qui encadre vient de partout Rwanda, Congo, Erythrée, Biélorussie, Afghanistan, Maroc, Belgique, etc. Les visiteurs parlent tellement de langues différentes et parfois ne connaissent que quelques mots de français… Et c’est singulier de rencontrer une jeune assistante sociale marocaine, Bouchra, ou ce monsieur afghan polyglotte, Nahzat, qui viennent en aide à des réfugiés qui souhaitent s’établir en Belgique… 

À Convivial, on récupère : nourriture, vêtements, meubles, jouets, tout ce qui peut être de première nécessité pour de nouveaux arrivants. 

Le dialogue et l’échange, à Convivial sont une priorité. Depuis ce bâtiment perdu entre les chemins de fer et dans une société très technologique où l’accueil et la communauté ne sont plus aussi évidents qu’avant, en particulier dans les villes, Convivial rayonne comme un laboratoire de société… Un espace où se rencontrent des mondes culturels très variés, dans une situation de précarité et de vulnérabilité ; un espace où quelque chose pourrait se reconstruire… 

De cette richesse potentielle, on est bien conscient à Convivial. Un exemple parmi d’autres :
la Rwandaise Concilie fait un travail sur le récit de vie avec les « mamies » rwandaises, où elle récolte leurs expériences passées d’agricultrices, leurs coutumes africaines – famille, habitation, nourriture… - des témoignages sur la séparation, l’immigration, le rapport à la vieillesse, ici et au Rwanda (les vieux en home, les anciens dans la communauté…). 

Un travail de prise de conscience, de réflexion sur les différences culturelles au moment où elles sont vécues dans l’exil. Naturellement, vient une recherche aussi sur les possibilités de logements alternatifs, transgénérationnels que la société belge commence aussi à mettre en place. 

Bien sûr, il s’agit là d’un travail très délicat : il y a les attentes et les images des nouveaux arrivants, la réalité du pays, les idées de ceux qui y vivent depuis peu ou longtemps… Il s’agit d’ajuster les points de vue, ce qui est très difficile, mais la tentative est là.

imgp187919x14.jpg  Un travail de collage

Je pense aussi aux collages que Joannah propose aux mamies rwandaises et aux participants à ses ateliers textiles. Se représenter là-bas et ici… Réfléchir sur certains thèmes, comme le sens esthétique et éthique des coutumes vestimentaires : chaussures ou chapeau… L’activité de création artistique est liée à une recherche de sens, une recherche souple… Une sorte de médiation artistique. Joannah anime aussi d’autres séances où mouvement, danse, chant, mémoire du corps, sont associés pour travailler le premier contact avec les choses, les gens et la société.  

Dans les ateliers, le travail artisanal devient vite artistique. En novembre dernier, j’ai assisté à un vernissage autour des créations de certains réfugiés qui avaient adopté Convivial comme lieu de séjour diurne et qui participaient à divers ateliers.

imgp1904ret19x13.jpg  Se chausser à travers les temps

L’ « interculturel », comme on écrit dans les manuels, est ici vécu au jour le jour et réfléchi. Et on considère que les apports culturels vont dans les deux sens. La médiation est donc prise en charge par des non-Belges en dialogue avec des Belges. Ces derniers qui s’interrogent sur le vivre-ensemble trouvent à Convivial une tentative stimulante et des idées venues de partout.

 imgp1931dt14x19.jpg Expo en novembre 2008

La récup est aussi un aspect important : c’est que ce travail se fait dans les marges du consumérisme. Imaginer une pauvreté positive ? Par une économie de dons, cette petite communauté va vers une certaine autonomie…  Il y a aussi une charte, un règlement d’ordre intérieur. 

En quelque sorte, chez Convivial, on est comme aux premiers temps (un titre de Dhôtel…) : c’est comme si on recommençait une société ; on doit réfléchir à la société qui est déjà là, avec ses avantages et ses inconvénients, une société souvent déboussolée, penser des modalités d’ « intégration » ; inventer des solutions. 

Je me répète, ce lieu m’est apparu comme un laboratoire de socialisation.  Une microsociété multiculturelle ? 

Suite au prochain article (et prochains numéros de MaYaK, les 5/6 : « solitudes en société »). Car, comme écrit Dhôtel, « Il faut apprendre à vivre dans l’intervalle du savoir et de la vision et faire les pas précis qui l’emportent vers la vérité. La méditation doit resserrer avec une douce fermeté les limites de ce savoir et de cette vision. » (Le vrai mystère des champignons). Je retourne donc bientôt à Convivial et laisse le temps faire venir une compréhension plus ramifiée de ce qui s’y invente…

Hugues Robaye

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