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Un photographe dans le paysage : Jacques Vilet

21082011

pottere15aot2011jacquesvilet003ret1lr.jpg le photographe arrosé… Hum, pardon Jacques…

 « En faisant des photos dans la forêt de Soignes, vers les années 1983, je cherchais longuement à placer mon trépied de manière à pouvoir glisser le regard dans les interstices de lumière parmi les fûts de hêtres. De certains endroits précis, au centimètre près, on pouvait voir très loin, comme si la forêt s’entrouvrait. Un jour, j’ai eu le désir et l’audace de me rendre en terrain dégagé, en rase campagne pour voir ce qui se trouve au-delà de la forêt. Je savais que je n’aurais plus autour de moi, désormais, la protection des arbres. 

C’est ainsi que je me suis intéressé à la ligne d’horizon, lointaine, inaccessible et pourtant bien présente. Cette ligne d’horizon était pour moi la métaphore de l’au-delà. C’est pourquoi j’ai travaillé ensuite dans la région de l’Escaut, notamment dans son estuaire. Je savais que dans le lointain, même brumeux, se situait quelque part, l’autre rive. Quel réconfort ! L’horizon n’est pas vide. J’étais content, à ces moments-là, de n’être pas confronté au désert de l’océan. » 

Je lisais ces lignes de Jacques Vilet, hier, en regardant le paysage – la pénéplaine d’Ath – où il s’était placé le 15 août dernier, avec son escabelle, son trépied et son appareil à soufflets. 

Un photographe dans un paysage qui détermine à ses façons MaYaK. Dont les lumières, ses façons, infiniment changeantes, nourrissent MaYaK. Qui pourra dire un jour comment les paysages nous transforment ? 

Je lisais la conversation de Jacques Vilet avec Yvonne Resseler, publiée dans cette splendide collection d’entretiens des éditions Tandem. Je repensais à ce que Kenneth White avait souligné à propos de Mishima : ce dernier disait autant se révéler dans ses articles critiques que dans ses romans ou ses écrits autobiographiques. Cet entretien de Jacques Vilet se lisait comme une histoire intime de son regard, mais plutôt des échanges dynamiques d’un corps en contact avec différents milieux…

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Et en lisant les mots de Jacques Vilet, je retrouvais sa façon caractéristique de parler : lente, pondérée, constructrice, dans le moment, de longs développements à venir, prudente (dans le sens phronétique d’Aristote si je ne me trompe, soit cette « prudence » qui consiste à ajuster nos mots, notre corps, à une situation présente, singulière, qui ne se répétera donc jamais), car évidemment ouverte à l’inconnu, malicieuse aussi, ouvrant un horizon de pensée, de questions, sur le sens actuel – ou actualisé – de sa présence, parole détachée du moi pourtant, participant de quelque chose d’englobant, détachée du moi et donc revenant au silence, à un sourire plein de distance par rapport à soi, un sourire de connivence avec celui qui a la chance de cet échange (moi en l’occurrence, pendant la fête mayaque du 7 août, puis ce 15 août et toutes les fois précédentes)… Une attention très profonde à ce que la parole fait naître et je pensais, en réfléchissant à cela, au regard que je le vis porter sur « mon » paysage, en ce 15 août dernier. Parole et paysage.

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On ne sait pas vraiment ce qu’on photographie… on ne comprend pas sur le moment… des prises de vue restent dans la boite, on les découvre après… la révélation au sens photographique du terme, la chambre noire, révèle ce qui nous avait touché dans une prise de vue, et pas toujours ce qu’on pensait… d’année en année, on ressent de plus en plus précisément ce qui relie nos travaux différents… Jacques Vilet me disait des choses comme cela devant les plans du paysage qui se reposaient de nos visions attentives ; nous buvions du café et dégustions une tarte du Cayoteu (fête dans la ville de Lessines (voisine du siège social du GE !), Hainaut belge), en l’honneur des carriers locaux, les cayoteux… 

Être et temps… 

Depuis ce passage par la potterée, de Jacques Vilet, j’ai l’impression que le paysage est habité autrement, comme le jardin depuis la visite de Manu Hunt, l’arborisculpteur, ou comme la maison, depuis l’intervention de Roumi Detournay et de sa famille de bâtisseurs… Honorer les amitiés rayonnantes. C’est un peu chinois tout cela… 

Et puis – je viens de m’en rendre compte – un passage d’un roman d’Henri Thomas, Le promontoire, lu il y a bien longtemps mais toujours palpitant, s’agitait en moi tandis que j’écoutais Jacques Vilet : 

« Mais la vérité d’une conversation ne vient pas de l’exactitude des anecdotes ra­contées; elle est dans le mouvement, dans l’invention, dans l’amusement d’une parole qui peut faire apparaître bien des choses et même les plus vraies, détachées de la vie personnelle et projetées dans une réa­lité ouverte. Aussi, lorsque le pharmacien d’Anvers disait, le regard tourné vers les rochers du bout de la plage : 

« II y a là-bas des bains de Diane… », je crois qu’il livrait au hasard de la parole, en présence d’inconnus (car jusqu’alors nous ne l’avions vu qu’une fois, dans la cuisine de l’hôtel), une pensée, un souvenir, un désir, domi­nant, – un de ces secrets qui profitent d’un instant de langage ouvert pour surgir dans une sorte de lointain, d’où ils revien­dront sur celui qui a parlé. » 

Hugues Robaye

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Emmanuel Hunt, arborisculpteur

15062011

pottere1362011015ret72.jpg un regard aiguisé

Nous avons parcouru le jardin depuis le sud : examiné le robinier (faux acacia, mais parfumé tout de même !), les bouleaux, le saule têtard filé en hauteur. Puis, au nord, en bordure de friche, les saules Marsault (aux chatons annonciateurs du printemps), qui font comme le têtard ; l’if empoisonné qui étouffe le centre de la friche (les hortensias sont sans lumière…), l’érable taillé à l’horizontal (pour délimiter l’espace réservé au feu) mais parti à la verticale…  Le laurier cerise développé en chandelier, mais trop ; son voisin, un antique sureau en dégénérescence, « beaucoup de bois mort ». D’autres saules qui forment buisson, à côté de l’if, mais partent aussi en hauteur ; le prunus pourpre et ses jets inutiles (avec son carillon chinois, à côté du potager). Enfin, à l’est, la haie de charmes et d’érables champêtres, nécessitant également une taille, « mais à la fin de l’hiver, comme les saules ». La géographie d’un jardin construit et son architecture abandonnée. 

Manu Hunt faisait connaissance avec chaque arbre que je lui présentais. Depuis 20 ans déjà, j’avais planté beaucoup (trop) d’arbres et d’arbustes dans cette prairie devenue jardin et la partie laissée en friche, où croissent cardères, camomille, consoude, ail des ours… et ces fougères particulières que Hunt remarqua bien vite, se referme sur elle-même. Images de plantes carnivores… Je voulais redonner lumière à ce petit milieu où s’asseoir pour apprécier les perspectives, les ouvertures, les lumières. Coin sauvage où un homme se sent hôte maladroit. Mais reconnaissant. Je pensais couper certains arbres mais l’homme qui m’accompagnait, pratiquant la grimpe et la taille douce, n’y pensait pas ! Il regardait les arbres comme on aurait parlé à des amis plus vus depuis longtemps, les interrogeant du regard sur leur croissance entre-temps ! Je veux dire, sur leur évolution… Une écoute et un regard aiguisés. 

Il me disait : « En tout cas, ce qui relie, c’est la sensation, c’est ce que je ressens, perçois, de manière infime et non rationnelle.  Tout le travail (ou la difficulté) est là, dans le ressenti, la perception de la sensation et y coller pour être juste dans ce que je réalise, et ajusté, en lien avec ce qui m’habite, avec la Nature et avec le client. Tout en restant les deux pieds sur terre, ancré dans la réalité. » Manu Hunt ajoutait que sa pratique du dessin et de la peinture le rendait sensible aux formes des arbres, à la composition d’un jardin. Il faisait confiance à son intuition (tendait à la faire correspondre à la nécessité), concernant la croissance future de l’arbre, pour intervenir et débarrasser de branches inutiles ou gênantes un arbre qui allait se sentir mieux…  Il me montra les photos des sculptures spontanées réalisées à partir de tronçons d’arbres expressifs. Parfois, il sculpte un petit objet (un vase par exemple) dans le bois de l’arbre que le client, avec regret, a dû faire couper. « Pour un homme dépressif,  j’ai taillé et presque achevé une sphère en bois, lui proposant de terminer son poli… » Il me mit dans les mains un livre sur les forêts primaires et l’influence de ce milieu sur le promeneur… La conversation avait pris ces chemins inattendus et je me félicitais de confier le jardin, dont la croissance m’échappait, à cet allié bienveillant et non-violent. 

MaYaK dans tout cela ? Eh bien MaYaK, à vrai dire, est indissociable de ce jardin et de sa vie. D’où viennent nos inspirations, ce qui nous pousse à un travail senti comme « ajusté », sinon de l’air qui circule autour de nous et de ses vibrations qui heurtent nos tissus comme un doigt léger sur la peau d’un tambour tendu ? La qualité des sensations que nous procure une maison et un jardin, nous oriente. Pour le GE ! en potterée ou celui en boitsfort (Xavier Vanandruel), le travail part de ce noyau, la maison-jardin, entre Nature et culture… 

Emmanuel Hunt ajouta, en souriant de ce néologisme, qu’il se sentait « jardisculpteur ».

Hugues Robaye 

Emmanuel Hunt  Cord’Elag 

Rue du Marais 15, 7912 Dergneau (Frasnes-Lez-Anvaing) 

0476 637909 ou 069548152 

http://www.agencedesarbres.org/pages/la_taille.htm : la taille douce 




Un tueur de 86 ans : « La seconde vie d’Abram Potz » de Foulek Ringelheim, au théâtre du Méridien

18062009

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Un vieillard de 86 ans, Abram Potz, devient tueur en série par haine de la jeunesse et dans l’espoir de décrocher un procès aux Assises, de pouvoir ainsi dénoncer en public l’hypocrisie et l’injustice de nos sociétés à l’égard des vieillards. Potz est psychiatre psychanalyste et juif ; il a perdu ses parents à Auschwitz (détails contextuels importants qui imprègnent sa vision pénétrante et sans concession) et raconte avec un cynisme désabusé sa déchéance, ses brimades quotidiennes et la stratégie de ses crimes… Voilà plus ou moins ce que l’on trouve dans le roman à l’écriture serrée de l’écrivain belge Foulek Ringelheim (qui fut magistrat).

Sur les planches, cela donne un monologue d’une heure vingt admirablement porté par le comédien Freddy Sicx, qui joue de tous les registres pour raconter au jour le jour le mépris pour les vieux (que Potz rend bien aux jeunes…).

Une scénographie épurée : un banc (qui reprend les dessins des palissades aux planches verticales mais aussi de biais qui ferment la scène. Un éclairage arrière qui permet de dédoubler l’espace et de projeter sur la scène des jeux de lumières et d’ombres entrecroisées (filtres de couleurs pour atmosphères variables)… Bruitages d’ambiance atténués derrière les palissades (qui ouvrent également l’espace, comme les lumières) ; musiques depuis l’avant-plan. Projection de formes sur les panneaux : le monologue du comédien nous transporte en différents lieux qui sont ainsi évoqués discrètement et efficacement. Un dispositif scénique qui accompagne avec beaucoup de finesse un monologue qui tourne souvent à la farce cruelle, tout en faisant réfléchir…

J’avais lu le roman et j’ai constaté un travail d’adaptation en mosaïque en début de pièce, qui se stabilisait après en une série de tableaux : l’ascenseur, le voyage organisé, le restaurant, l’appartement etc. pour terminer en queue de poisson : le vieillard n’aura pas son procès ; il sombre dans l’alzheimer : la tension cynique du personnage se dégonfle pathétiquement en fin de spectacle.

Très belle réussite, je trouve, que la mise en scène (et l’adaptation du texte avec Foulek Ringelheim) par Catherine Brutout.

C’est au Théâtre du Méridien, à Boitsfort (Bruxelles), jusque samedi seulement, ne ratez pas la pièce. Et ce théâtre est un lieu fort élégant, bien fréquenté…, traversé par un chien des plus sympathiques qui tient autant du thibétain que du rasta (à voir avant le spectacle)… Des jardins en gradins sur les contreforts de la forêt de Soignes, un foyer accueillant où l’on mange bien, des œuvres d’art, sculpture, peintures, photos, en dialogue avec les spectacles, bref de quoi combler un exigeant hédoniste mayaque !).

www.theatredumeridien.be 02/6633211

Hugues Robaye







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